Le 16e sommet des Non-Alignés à Téhéran a commencé jeudi, deux heures à peine, que déjà il était orageux et tourmenté. Les représentants de la Syrie ont quitté la salle de réunion : ils tenaient à protester contre les propos que venait de tenir le président égyptien. En effet, Mohamed Morsi a qualifié le pouvoir de Bachar Al-Assad de “régime oppressif" et il a salué la lutte du peuple syrien. Aux côtés de son hôte iranien Ahmadinejad, qui, lui, est très solidaire du régime de Damas. Cette passe d'armes donnait toute l'ampleur des difficultés pour donner une seconde vie au Mouvement des Non-alignés, né dans le feu de la “guerre froide" mais qui ne s'est pas encore réformé pour s'insérer dans la marche forcée de la mondialisation et ses nouvelles exigences. La condamnation du régime syrien par le président égyptien n'est pas une première, sa position va dans le sens de l'opinion publique égyptienne mais aussi dans le sens de l'organisation internationale des Frères musulmans dont Morsi fait partie, puisque issu de la confrérie fondée par Hasan El-Banna dans les années 1920. Et, il n'y pas que l'Egypte, les monarchies et principautés du Golfe sont foncièrement hostiles à Bachar Al-Assad, dont leur chef de file idéologique, l'Arabie Saoudite que le président égyptien a visité à deux reprises, dont celle à l'occasion du dernier sommet islamique qui a condamné Damas. Et puis dans la “croisade" contre Damas, il y a également et surtout le Qatar, dont l'émir est le seul chef d'Etat à avoir visité l'Egypte depuis la prise du pouvoir par les “Frères". Deux grands bailleurs de fonds de l'Egypte et des “printemps arabes" avec bien entendu les Etats-Unis, tous trois farouches adversaires de Damas. Ceci pour dire que le sommet de Téhéran s'était ouvert d'emblée sous le signe d'un bras de fer entre sunnites du Golfe et leurs alliés-obligés des autres continents et le chiisme iranien, lequel, il est vrai, cache de plus en plus mal ses velléités hégémoniques dans le monde musulman. Cela dit, le sommet des 120 pays non-alignés s'est ouvert en présence d'une cinquantaine de chefs d'Etat et de gouvernement, ce qui en soi met à mal la tentative d'isoler l'Iran. Il faut en effet savoir que les Etats-Unis n'avaient pas cessé de lancer des appels au boycott, répercutant les menaces rabâchées par Israël. Obama et Netanyahu avaient également demandé au secrétaire général de l'ONU de ne pas se rendre à Téhéran, pour montrer que l'Iran était isolé sur la scène internationale. Sans succès, même si Ban-Ki-moon a fait son procès contre Téhéran. L'Iran présente, d'ores et déjà, son sommet comme une victoire politique et diplomatique face aux Occidentaux qui tentent de l'isoler internationalement en raison de son programme nucléaire controversé. Téhéran compte sur le soutien des pays non-alignés pour défendre son droit à la maÎtrise du nucléaire, “à des fins civiles", devait encore rappeler le guide de la révolution islamique Khamenei, à l'ouverture du 16e sommet des Non-alignés, et s'opposer aux sanctions économiques occidentales qui frappent le pays. En attendant, le Mouvement, qui s'est assoupi ces dernières décennies, a remis à l'honneur ses thèmes traditionnels : démocratisation du Conseil de sécurité de l'ONU pour réduire l'influence des grandes puissances, rejet de toute ingérence dans les affaires intérieures de ses membres, soutien à la création d'un Etat palestinien, appel au désarmement nucléaire... D. B.