L'Egypte doit à cette occasion passer à l'Iran le flambeau de la présidence du Mouvement des Non-alignés, réuni pour son 16è sommet demain et vendredi à Téhéran. En se rendant demain en Iran, le président islamiste égyptien Mohamed Morsi veut se démarquer de trente ans de relations glaciales entre les deux pays et afficher une diplomatie plus «agile» que sous Hosni Moubarak, mais il aborde aussi avec prudence ce déplacement sensible. Après un déplacement en Chine, M.Morsi fera une escale de «quelques heures» dans la capitale iranienne, a déclaré son porte-parole Yasser Ali, en affirmant que cette visite serait uniquement consacrée au sommet des Non-alignés. «Aucun autre sujet n'est prévu», a-t-il déclaré, écartant les suggestions que la reprise des relations diplomatiques entre les deux pays soit à l'ordre du jour. Le ministre iranien des Affaires étrangères Ali Akbar Salehi avait quant à lui déclaré la semaine dernière au quotidien égyptien al-Ahram qu'il espérait le rétablissement de «relations normales» entre Le Caire et Téhéran. «Quoi qu'il en soit, la visite de M.Morsi va donner une impulsion à une normalisation des relations entre l'Egypte et l'Iran», pronostique el-Sayed Amin Shalby, directeur du Conseil égyptien des affaires étrangères, un centre d'études. Mais «une visite de quatre heures à peine n'est pas suffisante pour effectuer une percée, et 32 ans de rupture laissent des traces notamment sur les questions touchant à la sécurité» régionale, ajoute-t-il. Un rapprochement trop marqué avec l'Iran ne manquerait pas de se heurter à l'hostilité des Occidentaux, en particulier des Américains, soucieux d'isoler le régime de Téhéran pour le faire fléchir sur le dossier nucléaire. Il pourrait aussi faire grincer les dents des riches monarchies sunnites du Golfe - qui soupçonnent l'Iran chiite de vouloir les déstabiliser - auprès desquelles Le Caire cherche une aide cruciale pour surmonter ses difficultés économiques. M.Morsi est lui-même issu du mouvement sunnite des Frères musulmans, éloigné sur le plan religieux du chiisme dont l'Iran se veut le chef de file. L'Iran a rompu ses relations avec l'Egypte en 1980 pour protester contre la conclusion des accords de paix israélo-égyptiens l'année précédente par le président Anouar al-Sadate. Hosni Moubarak, à la présidence pendant trente ans jusqu'à sa chute en février 2011, a fermement maintenu l'Egypte dans le camp des pays hostiles à l'influence de l'Iran, perçu comme un facteur de déstabilisation au Moyen-Orient. Il ne s'est jamais rendu à Téhéran. M.Morsi a toutefois fait savoir qu'il entendait infléchir la politique étrangère qui a prévalu sous son prédécesseur, ferme allié des Etats-Unis. La nouvelle diplomatie égyptienne se veut «plus agile et active» et entend sortir de la «stagnation» qui prévalait sous Moubarak, a affirmé Yasser Ali avant le départ du président pour la Chine et l'Iran. «Nous ne sommes en rivalité avec aucun pays», a-t-il ajouté. Le conflit syrien a donné à M.Morsi une occasion de tendre la main à Téhéran, ferme allié du régime de Bachar Al Assad, bien que Le Caire souhaite de son côté un changement de pouvoir à Damas. M.Morsi a avancé l'idée d'un comité régional quadripartite pour chercher une solution à la crise syrienne, comprenant l'Egypte, l'Iran, l'Arabie Saoudite et la Turquie. «Si ce groupe réussit, l'Iran ferait partie de la solution et pas du problème», a déclaré le porte-parole de M.Morsi, en classant l'Iran parmi les «parties actives» dans la région. L'Iran a déjà fait savoir le 17 août dernier qu'il «accueillait favorablement» la proposition égyptienne. «Renouer avec l'Iran ne signifie pas être d'accord avec lui sur tout, mais cela offrirait un outil pour chercher à gérer les crises», estimait hier le commentateur Amr al-Chobaki dans le quotidien égyptien indépendant al-Masry al-Youm.