N'était le caractère qui se voulait solennel, avec un tantinet de fermeté, on aurait sans doute pris les affirmations du ministre de la Justice, garde des Sceaux, pour argent comptant. L'incarcération du directeur du quotidien, Le Matin, Mohamed Benchicou, qui continue de susciter l'indignation, et aux yeux du représentant de l'Exécutif, relève d'un jugement dans “une affaire ordinaire”. Tellement “ordinaire” que tout le long de sa “plaidoirie”, il n'a pas jugé utile de citer le nom du désormais célèbre prisonnier, encore moins sa “qualité”. “Le citoyen qui a été jugé, la loi le protège. Je voudrais vous affirmer et à travers vous, l'opinion nationale que cette affaire n'a aucune relation avec le journalisme, ni avec la politique, encore moins avec ce qu'il a écrit. C'est une affaire de droit commun”, a indiqué, hier, Tayeb Belaïz lors d'une conférence de presse animée au siège du ministère à Alger en réponse à une question de Liberté. “Il était poursuivi sur la base d'une plainte du ministère des Finances. Hier, (avant-hier, ndlr), le citoyen a été jugé en séance plénière en présence de toutes les parties. Toute la procédure s'est faite dans un cadre légal. La justice, qui est indépendante, a entendu toutes les parties et a décidé de le condamner à deux ans de prison ferme assortie d'une amende”, a-t-il expliqué. Comme pour rappeler le fonctionnement de la justice, il estime que “nul n'a le droit de contester ou de commenter une décision de justice, et elle est observée dans tous les pays du monde”, a-t-il précisé. Toutefois, “des voies de recours existent et la Cour est seule habilitée à revoir sa décision”, a-t-il encore ajouté. À propos des déclarations du Syndicat des douanes qui avait affirmé que les bons de caisse ne constituaient pas une infraction à la législation, le représentant de l'Exécutif a estimé qu'il appartient seulement “aux tribunaux, aux cours ou à la Cour suprême de le dire”. Puisque l'affaire Benchicou relève du droit commun et l'incarcération de Hafnaoui alors ? “Hafnaoui a tenu des propos qui se sont révélés sans fondement et il a été poursuivi pour ça”, a expliqué Tayeb Belaïz non sans ajouter que le militant des droits de l'Homme “n'a pas fait la grève de la faim et qu'il est en bonne santé”. Histoire de rassurer, le ministre rappelle qu'il ne conçoit pas de démocratie sans la liberté d'expression et de presse. “Mais qui ne signifie pas la diffamation, l'injure ou l'offense et qui ne se substitue pas à la justice”, a-t-il précisé. Interrogé si son département prévoit des mécanismes pour la protection de la presse, Tayeb Belaïz s'est contenté de convier les journalistes à proposer une loi. K. K.