La démission de l'actuel gouvernement n'est pas une garantie de la régularité du scrutin présidentiel. Des partis politiques et des candidats potentiels à la présidentielle du printemps 2004 exigent le départ du gouvernement en exercice, comme caution nécessaire à la régularité du prochain scrutin. La revendication est devenue encore plus insistante depuis que le RND, formation dirigée par le chef de l'Exécutif Ahmed Ouyahia, a annoncé officiellement son soutien à la candidature du président de la République Abdelaziz Bouteflika. La suspicion plane plus que jamais sur la partialité de l'administration et surtout sur des velléités du cercle présidentiel à utiliser les moyens de l'Etat. Il sera, en effet, difficile d'empêcher les membres du gouvernement, pratiquement tous acquis à Bouteflika quelle que soit leur appartenance partisane (RND, mouvement de “redressement” du FLN ou même MSP), à faire ostensiblement campagne pour le Président-candidat. Dans l'absolu, l'exigence de la classe politique se justifie amplement. Dans l'absolu uniquement, car, en réalité, un changement du gouvernement, ou du moins à la tête des ministères directement impliqués dans la préparation de l'élection présidentielle, ne constitue pas une garantie d'un vote sans fraude. L'on se rappelle que Liamine Zeroual a accédé, en décembre 1998, à une demande similaire. Il a remplacé Ahmed Ouyahia, alors Chef de gouvernement depuis janvier 1996, par Smaïl Hamdani, réputé personnalité indépendante de toute chapelle partisane. Un profil idéal pour calmer les plus vives appréhensions. Zeroual a aussi pris la peine de confier, selon une logique identique, les rênes du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales à Abdelmalek Sellal, celui de la Justice à M. Mekamcha, et celui de la Communication et de la Culture à Abdelaziz Rahabi. Nul ne peut reprocher à Liamine Zeroual, qui a remis son mandat dès que le scandale a éclaboussé son conseiller Mohamed Betchine et son ministre de la Justice Mohamed Adami, une quelconque intention trompeuse. Pourtant, son geste n'a pas évité à l'élection présidentielle d'avril 1999 l'issue désastreuse que l'on sait. En somme, Abdelaziz Bouteflika pourrait très bien concéder à ses principaux adversaires politiques un significatif remaniement ministériel, voire l'installation d'une nouvelle équipe gouvernementale, sans grande conséquence. Ses prérogatives constitutionnelles lui permettent de désigner qui il veut au poste de Chef de gouvernement et décider aussi de la composition de son cabinet. Ce qui revient à dire qu'il a toute latitude de nommer aux postes stratégiques ses plus fidèles collaborateurs. L'opinion publique n'y verra que du feu. La classe politique aura, quant à elle, du mal à reconnaître qu'elle a été tout simplement dupée. Elle pourrait invoquer tout au plus le prétexte de ne pas avoir, finalement, exigé des garanties réellement sérieuses. Par ailleurs, si certains partis et personnalités politiques appellent au départ du gouvernement Ouyahia, véritablement dans un souci d'aller à une élection plus crédible, d'autres semblent adopter des positions changeantes au gré des conjonctures. En 2002, c'est bien Zerhouni et ses collègues qui ont organisé les élections législatives et locales sans que le parti qui en est sorti vainqueur trouve à redire. Il est à se demander alors comment le FLN peut féliciter Zerhouni de lui avoir permis de rafler la majorité des sièges à l'APN et aux assemblées locales, puis l'accuser aujourd'hui de préparer une fraude contre lui. S. H.