L'importation de la banane s'est révélée un véritable casse-tête pour les douanes. Alors que les importateurs prétendent l'acheter à l'étranger entre 6 et 8 dollars le carton de 18 kg, les douaniers ont décidé récemment de la taxer sur la base d'une valeur de 10,70 dollars. Cette polémique fait rage, car la différence peut constituer une véritable cagnotte en devise qui va loger dans des comptes à l'étranger avec la bénédiction des textes. En fait, les douanes algériennes ont reçu la valeur de 10,70 dollars de la part de leurs homologues françaises alors qu'aucune “banane ne vient de France. Au lieu de se renseigner auprès des ambassades latino-américaines pour connaître le prix réel, on s'est adressé aux Français qui n'ont point de valeurs actualisées”, soutient un professionnel de la branche. “Si j'accepte de transférer sur la base de 10,70 dollars je me rends coupable d'un surplus de transfert illicite et demain la Banque d'Algérie risque de m'interpeller. Dans ces conditions, je préfère reporter mes importations jusqu'à éclaircissement de la situation”. Comme solution intermédiaire pour débloquer les navires en rade, piégés par la nouvelle taxation, les douanes ont imposé une consignation du différentiel entre la facturation de 7 dollars et les 10,70 dollars. Soit que l'importateur est tenu de laisser en caution un chèque certifié auprès des douanes. Pour une importation moyenne, le chèque serait de l'ordre de 20 millions de dinars sans détail ni garantie de restitution à l'importateur. Par ailleurs, on apprendra qu'au plus fort de la flambée, à l'occasion de fêtes par exemple, le carton de bananes à l'international ne peut dépasser les 8 à 9 dollars en coût et fret, c'est-à-dire livré à bon port. En attendant, aucun des importateurs ne sait comment et sur quel prix s'aligner pour vendre sur le marche intérieur sa marchandise. Car avec l'ancien barème de valeur, le kg de banane sortait de chez lui entre 60 à 65 Da. Pour rappel, la problématique s'est aussi posée sur la valeur d'autres produits, tels que les laits en poudre conditionnés en étui de 500 grammes, les batteries et la friperie. Ces marchandises ont non seulement été soumises à des valeurs minimales au-dessous desquelles le dédouanement est systématiquement rejeté, mais pis, le douanier rédacteur de la note tant controversée a suscité l'inquiétude de pas mal d'intervenants y compris au sein même de l'institution. En effet, la note en question cible des laits bien identifiés, tels Gloria et Nestlé, alors qu'en réalité Gloria n'est qu'un produit de la firme Nestlé, et à ce titre, d'aucuns estiment que le rédacteur signe ainsi sa méconnaissance du marché. Comment cibler et citer une marque au risque de favoriser d'autres marques puisque les laits commercialisés en Algérie sont, entre autres, les Regilait, Quiklaits, Matines, Celia et autres mystérieusement non concernés par le réajustement des valeurs. Idem pour les batteries ou là encore seule la marque Tudor est visée par ce qui peut être interprété comme un verrou discriminatoire alors que des engagements d'égalité de traitement sur les produits importés sont plus que jamais d'actualité. Fallait-il donc que le rédacteur de la note, sortie des structures douanières, cite des marques bien définies au risque d'entretenir une ambiguïté sur les objectifs recherchés ? C'est un cas flagrant de privilège et un potentiel facteur de risque de concurrence déloyale entre des marques de produits, d'où l'institution est, en principe, tenue de se démarquer. D'ailleurs, selon les inspecteurs liquidateurs des douanes, “nous avons refusé de liquider des dossiers sur la base de cette note. Soit on met tout le monde sur un pied d'égalité soit on ne liquide pas”. La direction générale des douanes semble, selon nos interlocuteurs, sensible à la question et a décide de déblayer le terrain. Une commission serait à pied d'œuvre pour reprendre une liste de marchandises sensibles et tracer un barème de valeur de référence pour chaque produit. En clair, il s'agit d'établir des valeurs de référence introduites dans le système informatique et ce, à titre indicatif seulement et non pour application systématique. A. W.