L'ouvrage est une lecture des romans de Marguerit Taous Amrouche que Mme Djoher Amhis-Ouksel (Nna Djohar), professeur de lettres françaises et inspectrice d'enseignement, nous propose. Edité chez Casbah Editions, la lecture nous retrace et nous permet de suivre le parcours d'une femme emblématique dans les tourments de l'histoire de la famille des Amrouche profondément blessée par les exils répétés et dont le dernier sera infini. Pour cela, et en exergue, le livre de Mme Amhis s'ouvre sur une pensée de Jean El-Mouhoub Amrouche, le grand frère, qui disait : “La grande douleur est d'être et d'être séparés. Nous portons en nous, avec la joie d'être vivants, de nous sentir animalement existants, l'amer regret de non-être." Un à un depuis Rue des Tambourins, la Jacinthe noire, l'Amant imaginaire, Solitude ma mère, Paroles, d'où vient-tu ? De ma racine et aux extraits se rapportant à l'œuvre de Taous, Mme Amhis dissèque les romans en les suggérant d'abord par leurs structures respectives. Mais le socle vacillant sur lequel Taous se raconte, s'accroche aux paroles que lui tiendra un jour son ami Noël : “Vous ne serez jamais heureuse." Cette phrase va l'entraîner dans une quête du passé avec un questionnement lancinant et obsessionnel, notera Nna Djohar. Plusieurs aspects caractérisent l'œuvre de l'exilée ininterrompue. Djoher Amhis-Ouksel retient de sa lecture globale que Taous a un sens de la liberté, jugé parfois excessif, mais elle reste fidèle à elle-même, à ses valeurs, son attachement à son pays, son désir constant d'aller vers l'autre, dans un respect mutuel, malgré le rejet de sa différence. Elle est Reine et ne veut qu'une chose : “Être et être au monde." La lectrice des romans de Taous Amrouche tamise des paragraphes distinctifs et attentionnés sur lesquels elle fonde un discernement assidu et par lesquels on rentre dans la vie de la famille des Amrouche comme par enchantement mais avec un cœur tout de même serré et remué tellement leur résistance face la résignation était une épreuve éprouvante. Mais des épreuves qui ont toutes les fois triomphé. Nna Djohar précise cependant que son travail ne prétend pas épuiser toute la richesse et la densité des romans de Marguerite. Son œuvre romanesque, dira-t-elle – surtout par ses chants et ses contes –, mérite d'être approfondie, décryptée à la lumière des avancées modernes de la psychanalyse et du transgénérationnel. Taous Amrouche a intégré un énorme capital symbolique de souffrance, conscient ou non. Et que cet entrebâillement de lecture ouvre la voie à des recherches tant les aspects d'étude sont nombreux ! “L'exil et la mémoire" de la lectrice nous défriche justement ce long sentier qui restera toujours ouvert. A. A. [email protected]