2003 une année vue par Liberté Ni bateau ivre ni bateau fantôme On ne dresse pas le bilan d'un pays comme on dresse un bilan comptable avec son solde, ses chiffres et ses actifs. Une nation est plus que cela, même si les colonnes de ses pertes et profits coulent par toutes leurs blessures. Et le plus grand crédit qu'on doit lui imputer, aujourd'hui, à la veille de l'an neuf, est qu'elle reste encore debout, sans casser, sans plier, malgré les vents et la tempête. Et l'Algérie, Dieu merci, a toujours su naviguer entre les épaves des calamités naturelles et les récifs des partis et des clans. Il nous est difficile de passer sous silence, sous prétexte qu'ils font désormais partie des cases du passif, nos drames et d'occulter nos épreuves. Une nation est aussi une mémoire et une mémoire pérenne. Même si le navire algérien tient encore la mer, au milieu de la houle, les enfants de ce pays ne peuvent oublier la catastrophe de Boumerdès car ils ont vécu dans leur chair et dans leur peur un sinistre contre lequel ils n'ont pu opposer que leur immense solidarité. Et leur générosité. Comme ils ne peuvent oublier l'incroyable crash de l'avion d'Air Algérie près de Tamanrasset et au cours duquel on a dénombré plus de cent morts. Avec la découverte de cas avérés de peste à Tafraoui, près d'Oran, une maladie médiévale et complètement éradiquée dans l'hémisphère nord, on passera près du pire. Elle ne provoquera enfin de compte ni panique, ni exode, ni mouvement de foule grâce au sang-froid de la population d'une part et à la prise en charge du phénomène par les pouvoirs publics qui administreront un traitement de cheval à cette pathologie. Si le kidnapping et la disparition de 35 touristes allemands en plein désert et qui seront libérés plus tard à partir du Mali ont faussé bien les comptes, ils resteront néanmoins comme des stigmates indélébiles d'un chapitre du bilan. Quoi qu'il en soit, la patine du temps finira fatalement par tout banaliser et même par calmer le ressac des ambitions politiques déchaînées. La première OPA des “redresseurs” qui avaient pris pour cible la mouhafadha FLN de Mostaganem a, non seulement fait des émules, mais provoqué des ondes de choc dans tout le pays, fort heureusement sans avarie. Une chose est certaine cependant, qu'elle fouette à bâbord ou qu'elle ronge à tribord, la vague des appétits ne coulera pas le navire ; le navire ne fera pas naufrage. La vague se noiera un jour ou l'autre dans l'écume blanche du rivage par où elle est partie. L'Algérie flotte mais ne sombre pas. M. M.