Qui l'aurait imaginé un jour ? Le front de libération nationale (FLN), né dans le feu de la révolution, incarnant pendant de longues années, dans l'imaginaire collectif algérien, toute la puissance de l'Etat, se voit au crépuscule de 2003 contraint à la “clandestinité”. Sans doute inédite, la décision de la chambre administrative près la cour d'Alger d'invalider le VIIIe congrès du parti, tenu en mars dernier, et son corollaire, le gel des structures et des fonds, au-delà du caractère peu orthodoxe et péremptoire du verdict dont on n'en doute pas qu'il est le fait d'“injonctions”, aura immanquablement des répercussions, dont on ne peut mesurer, aujourd'hui, toutes les conséquences. Si la décision semble être accueillie avec l'indifférence du koala devant le péril chez l'opinion, tel n'est manifestement pas le cas chez les responsables et militants du FLN. “Les militants du FLN ne peuvent plus accepter d'être mis définitivement devant le fait accompli et assister, impassibles, à la mise à mort de nos acquis démocratiques et voir ainsi l'Algérie livrée en victime expiatoire aux ambitions débridées du Président-candidat”, a averti le SG du FLN, lors d'une conférence de presse, quelques heures seulement après la décision rendue par la justice. Venant d'un homme, réputé jusque-là pour sa réserve et sa modération, ces propos, dans le contexte actuel, ne peuvent valablement être assimilés à une simple expression de dépit. Il est plus qu'évident que les militants du FLN seraient tentés, aujourd'hui, plus que jamais, à répondre à ce qui est perçu comme une provocation de trop dans des proportions à la mesure de la décision. Autant dire donc que des affrontements physiques avec les militants qui ont changé de fusil d'épaule ne sont pas à exclure. Des informations font déjà état de la tentation des militants du FLN, fidèles à Benflis, d'investir la rue dans certaines localités du pays. Mais assurément, les conséquences les plus redoutables sont celles qui risquent de grenouiller le fonctionnement institutionnel. Majoritaire dans les Assemblées élues (APC, APW, APN), disposant de nombreux relais dans les administrations et les institutions, le FLN, maintenant qu'il est poussé dans ses derniers retranchements, serait amené, même s'il s'est toujours refusé à cette solution, par souci des intérêts suprêmes du pays, de recourir au blocage. Et la crise institutionnelle dont Benflis avait brandi la menace, depuis les premiers coups assénés au parti après son limogeage de la tête du gouvernement, n'est plus désormais une simple perception de l'esprit. Cependant, a contrario, connaissant l'opportunisme qui caractérise certains militants, dont le parti fourmille, et qui conjuguent à tous les temps le principe typiquement algérien “toujours avec l'homme debout”, le FLN n'est pas tout à fait à l'abri d'une hémorragie dans ses rangs. Et des militants pourraient tourner casaque. Il restera une seule inconnue : quel prolongement aura la décision chez les “cercles décideurs” ? Si d'aucuns ont considéré jusque-là que le crise qui secoue l'ex-parti unique traduit une “lutte feutrée” au sommet, ce nouveau verdict pourrait se révéler comme le point culminant de cette crise. Quelle serait la nature des conséquences ? Les voies du Seigneur sont impénétrables. Mais une chose est désormais certaine : Abdelaziz Bouteflika a décidé de mener une guerre sans merci contre le FLN. Mais comme disait William Churchill : “Avant de déclarer la guerre, il faut toujours se faire une idée sur comment s'en sortir.” Bouteflika en a-t-il une ? K. K.