Bush a enterré 2003 en demi-teinte. Saddam est capturé, mais l'Irak s'est transformé pour lui en un véritable bourbier. Le terrorisme islamiste, au lieu d'amorcer la décrue qu'il avait escomptée, résonne même dans les pays donnés pourtant pour sûrs. La nouvelle année étant pour Bush décisive (il s'est aligné pour sa propre succession), avant le scrutin de la mi-novembre, il devra réaliser l'autre fait de guerre qu'il s'était juré d'accomplir : neutraliser Ben Laden, son “ennemi public numéro un”. “Saddam n'est plus un problème. Maintenant, l'attention se reporte sur Ben Laden”, c'est le vœu 2004 que le représentant américain à Kaboul a présenté à Karzaï, à qui la Loya Jirga (conseil des chefs de tribu) a donné le chèque en blanc indispensable pour construire l'Afghanistan que souhaite Washington. L'obsession d'Al-Qaïda est si prenante que Bush n'a pas hésité à gâcher les fêtes de fin d'année en décrétant l'alerte rouge dans le monde. Deux années après s'être fondu dans la nature en Afghanistan (à la barbe de l'armée américaine), Ben Laden reste introuvable, malgré la CIA, le FBI et une armada de chasseurs de primes. côté afghan, la situation reste d'autant plus confuse qu'elle est alimentée par des chefs de guerre, qui y trouvant leurs comptes, sont loin de s'appliquer les mesures normatives édictées depuis Kaboul par Karzaï. Les stratèges américains ont d'ailleurs évalué trop fort le prix de toute action de leur part dans cette région. Seule la chasse américaine peut survoler cette région où les cibles ne sont mêmes pas identifiables. Ben Laden pourrait, en effet, s'y mouvoir comme une épingle dans un champ de foin. Dans la partie pakistanaise, l'insécurité est également nourrie sciemment. Islamabad prétextant les difficultés du terrain et la culture (!) des patchounes, n'y a déployé que quelques brigades militaires. Encore, pour la forme, Musharraf a fermé les yeux sur ce qui se passe dans ses frontières où, apparemment, se sont repliés les activistes pakistanais à qui il a fini par déclarer la guerre devant les pressions de Bush. Les islamistes pakistanais le lui rendent bien. Le président pakistanais, qui a fait l'objet — en moins de trois mois — de trois tentatives d'assassinat, va-t-il, enfin, normaliser ses provinces de non-droit ? Auparavant, il devra venir à bout de ses propres services. Sans l'Isi (services pakistanais), les talibans ne seraient jamais sortis de leur madrassa et Ben Laden n'aurait jamais eu ses heures de gloire. En attendant, Ben Laden ainsi que l'idéologue d'Al-Qaïda, le mollah Omar, courent toujours. Certains les donnent pour morts. Ben Laden squatte moins Al-Djazira mais personne, jusqu'à présent, n'a fourni la moindre preuve concernant sa disparition. Pour les Américains, la neutralisation de Saddam aurait un impact positif sur la recherche de Ben Laden. L'armée américaine a d'ailleurs lancé l'opération “Avalanche”. La plus importante offensive depuis la guerre, visant spécialement les derniers sanctuaires terroristes du Sud, avec la contribution des éléments d'une armée nationale afghane en cours de constitution. Pour Bush, c'est plus qu'un challenge. Il a juré de mettre la main sur le commanditaire présumé des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, n'arrêtant pas, au passage, de lier ses déconvenues à Al-Qaïda. Si Ben Laden est retrouvé, le président-candidat n'aura à se faire aucun souci. Il reste locataire de la Maison- Blanche pour cinq autres années. D. B.