Résumé : Mon reportage s'avéra fructueux. Je ne m'attendais point à ces témoignages poignants sur la conditions féminine. Des femmes délièrent leur langue pour se confier à moi en toute franchise. Un monde de contradiction. Alors que la femme pensait avoir gagné la liberté d'exercer une fonction, elle se retrouva prise au piège des mises en garde. Pourtant, et pour ne pas noircir davantage le tableau, quelques femmes confirmèrent leur statut de mère et d'épouse, en parallèle à leur profession. Pourquoi ? Eh bien, quelques-unes d'entre elles nous répondirent qu'elles avaient dès le début pris le taureau par les cornes afin de remettre les pendules à l'heure. Loin s'en faut, elles devinrent elles-mêmes ce pilier central sur lequel on pouvait s'appuyer. Celles-là sont celles qui ont su mener leur barque, car leurs époux avaient compris que pour gagner la confiance et l'amour d'une femme, il fallait la traiter autrement. Tel que le précisait d'ailleurs Mahatma Gandhi dans ce dicton : “Si j'étais une femme, je me rebellerais contre toute prétention qu'émettrait l'homme de faire de sa femme son jouet. Je n'ai réussi à pénétrer dans le cœur de ma femme que le jour où j'ai décidé de la traiter autrement que je ne l'avais fait jusqu'alors. J'ai compris que l'épouse n'est pas l'esclave du mari, mais sa compagne et sa collaboratrice." Je regarde mes feuillets noircis par mon écriture penchée. L'article était presque terminé. J'entendais un bruit de serrure et jette un coup d'œil à ma montre : il était presque minuit. Youcef n'avait pas l'habitude de veiller assez tard. La nurse était partie vers dix-huit heures, alors que je revenais de la rédaction. Je voulais rester seule avec Mehdi. Je savais que Youcef allait tarder, mais pas jusqu'à cette heure-ci. Il traverse le couloir, chaussures aux pieds bien sûr, et se dirige vers la salle de bains sans un regard vers la chambre. Je l'entendais prendre sa douche en chantonnant. Je reprends mon travail. J'avais relevé certains détails, souligné d'autres, et entamé un premier paragraphe sur mon ordinateur. Mehdi se met à pleurer et je cours vers sa chambre. Youcef m'avait précédée. Je ne l'avais pas entendu sortir de la salle de bain. Il prend le petit dans ses bras et se met à le bercer. Mehdi se rendort. Youcef me jette un coup d'œil furtif avant de le remettre dans son lit, puis me toise un instant avant de se diriger vers la cuisine. Il ouvrit le frigidaire puis le referme en haussant les épaules. Il avait vraisemblablement déjà diné. Je hausse les épaules moi aussi. Je n'avais pas cuisiné, ni même rien mangé depuis le matin. J'étais tellement absorbée par la rédaction de mon texte que je ne me suis pas rendue compte que mon estomac gargouillait. Youcef traîne ses pattes au salon puis se laisse tomber sur un fauteuil et allume la télé. Je me rendis alors dans la cuisine pour réchauffer un reste de soupe aux légumes. Je sortis une salade variée du frigidaire, du fromage et des fruits. Je dépose le tout sur la table et me mets à manger. Youcef vint se verser un grand verre d'eau et prend une pomme avant de retourner au salon. Tout en mangeant je réfléchissais... Mehdi était encore petit et avait besoin de toute mon attention... Je suis contrainte de travailler et de partager mon temps entre mon fils et mes reportages. J'avais compris que je ne pouvais pas compter sur mon mari. Notre dispute de la veille était un prélude à tout ce qu'il avait l'intention de m'imposer. Moi aussi j'aimais les enfants. Qui n'aime pas les enfants ? Mais pas au point de sacrifier ma carrière. Je ne suis pas celle qui va fermer les yeux sur les longues années d'études, les stages et les formations, pour se consacrer aux enfants et à la cuisine. Youcef le savait pourtant. Nous avions travaillé ensemble avant notre mariage et il connaissait mes ambitions. Pourquoi ce revirement de situation ? Je repense aux femmes que j'avais rencontrées. Elles étaient formelles dans leurs réponses : tous les hommes ou presque changent après le mariage... C'est pour cela, d'ailleurs, qu'il y avait autant de divorces ces dernières années. Je découpe un morceau de fromage et me mets à le mastiquer distraitement. Ma mère était fière de moi. Oui, elle était heureuse de me savoir heureuse. Je lui parlais souvent de Youcef, et elle ne cessait de me répéter que je ne pouvais tomber sur un parti meilleur. Pour elle, un homme tel que mon mari était tout ce qu'on pouvait espérer pour sa fille. Il travaillait dur, avait son appartement, son véhicule, et me permettait de sortir et de travailler, etc. Et aujourd'hui que pensera-t-elle de lui si elle apprenait qu'il voulait une demi-douzaine d'enfants et qu'il espérait me voir m'occuper d'eux ? De ma carrière, il n'en avait cure... Je pousse un soupir avant de me lever. Je me sentais épuisée. Ma journée avait été longue. J'aurais pu oublier ma fatigue si Youcef... Je secoue ma tête : pas de faiblesse. Non... pas de faiblesse. Il faut savoir tenir. Si je ne tiens pas aujourd'hui, je ne pourrais plus jamais tenir ni m'en sortir. Je m'étire. Mes muscles étaient “soudés". Cela faisait bien belle lurette que je n'ai pas pensé à reprendre le sport. Par paresse ou manque de temps ? Les deux peut-être... (À suivre) Y. H