Des élections sans surprise dans un pays pourtant dévoré par la guerre civile. Saakachvili, 36 ans, est le nouveau président de la Géorgie. Les géorgiens n'ont fait que confirmer la victoire de “la révolution de la rose” qui, en trois semaines, a poussé vers la porte de sortie le président Chevardnadzé, père d'une indépendance qui a mal tourné et qui, malgré ses échecs successifs pensait pérenniser son pouvoir avec des législatives organisées en sa faveur le 2 novembre. La désobéissance civile décrétée par l'opposition s'est conclue dans le Parlement, le 23 novembre, lorsque Saakachvili y a fait irruption, une rose à la main, contraignant Chevardnadzé à lui laisser la place libre. L'ex-président n'avait pas d'autre choix dès lors que Poutine, son voisin russe, lui a signifié qu'il ne pouvait rien faire pour lui. Les Etats-Unis avaient jeté leur dévolu sur Saakachvili, qui n'est pas un inconnu pour eux. Il a étudié chez eux et a même travaillé dans une entreprise new-yorkaise. Revenu à Tbilissi, Chevardnadzé lui ouvre toutes les portes. Son parti, I'union des citoyens, et un poste de ministre de la justice en 2000. Deux années plus tard, ce réformateur radical et pro-occidental cIaque la porte et fonde sa propre formation, le Mouvement national. Ensuite, tout marche pour lui comme sur des roulettes. Critiquant avec le plus de force le régime en place, il devient le principal leader de l'opposition. Il a le soutien entier de Washington. Bush n'a pas hésité à dépêcher à Tbilissi son secrétaire à la défense, Rumsfeld, pour le soutenir durant la campagne électorale. Poutine, qui certainement a eu des compensations en retour, a laissé faire, sans broncher, alors qu'il entretient en Géorgie des bases militaires et qu'il a en sa possession les clefs de l'Abkhazie et de l'Ossétie du sud en sédition contre Tbilissi. Les américains sont d'ores et déjà assurés de voir se réaliser enfin les oléoducs et gaducs qui devront évacuer les hydrocarbures de la mer Caspienne vers la Turquie (Bakou-Tbilissi-Ceyhan), évitant ainsi la Tchétchénie et la Russie. Par contre, les géorgiens devraient, eux, se contenter pendant un temps du populisme que leur a servi Saakachvili. La Géorgie est au bord de l'effondrement économique conjugué à une crise identitaire, apparemment inextricable. Le revenu moyen ne dépasse pas les 50 dollars, la dette est assez élevée et les guerres civiles ont fait, depuis juillet 1992, une année après l'indépendance, des milliers de morts et, sur la population de 5 millions d'habitants, plus de 300 000 ont été déplacés par les conflits armés avec les régions séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie. L'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan devrait apporter des revenus non négligeables, mais le pays est gangrené par la corruption. En outre, Saakachvili devra trouver un terrain d'entente avec son voisin russe, qui peut à tout moment brandir les cartes dont il dispose sur cette petite république du Caucase, autrefois l'une des plus prospères républiques de l'union soviétique. La Géorgie a, également, la particuIarité d'être le pays natal de Staline. Qui s'en souvient ? Chevardnadzé, dont l'histoire retiendra qu'il a su tirer sa révérence, prenant acte de son impopularité, a voté pour Saakachvili. Il l'a dit aux journalistes le jour des élections tout en demandant à son ex-protégé, devenu son ennemi numéro un et l'acteur de sa déchéance, “de se mettre au travail et de parier moins”. D. B.