L'année du sport 2012 aurait été nettement moins passionnante sans Taoufik Mekhloufi. Quasi inconnu du grand public à son départ pour Londres au sein d'une délégation dont on n'espérait pas beaucoup, Mekhloufi a replacé l'Algérie dans le concert des nations génitrices de champions en décrochant l'or olympique dans la célèbre course du 1500 mètres. Au moment où les espoirs de tout un peuple toujours aussi avide de sport et d'exploits reposaient sur les éventuels et désignés “médaillables" en boxe et en judo qui ont finalement fait pschiiitt, cet enfant de l'Algérie profonde, qui a quitté tôt son Souk-Ahras natal où il est né un certain 29 avril 1988 pour s'aguerrir aux difficultés du demi-fond sous la bannière de la Protection civile puis sur les hauteurs kenyanes, a fait, à lui seul, honneur à tout un peuple. Pourtant, après avoir passé les tours préliminaires sans encombre et avec une facilité déconcertante, Toufik Mekhloufi faillit ne jamais connaître la gloire par la faute d'un choix personnel que les instances internationales ont, tout d'abord, mal interprété, puis sanctionné avant de l'accepter et de l'assimiler à une décision dictée par des contraintes médicales. C'est que cette même décision de ne pas continuer l'aventure sur 800 mètres pour préserver d'un côté un genou capricieux et garder intactes ses chances de médaille sur le presque mile n'a pas été du goût de l'IAAF qui y a vu plutôt une manœuvre scabreuse de l'athlète algérien, soupçonné d'un inédit “manque de combativité et mauvaise foi" dans les séries du 800 mètres que punit l'article 142 de son réglement, lui le champion d'Afrique 2011 de la distance à Maputo, sanctionné et privé de courir la finale du 1500 m avant d'être finalement blanchi et rétabli dans ses droits. Il n'en fallait plus à Mekhloufi pour être doublement motivé en cette douce soirée du 7 août pour dominer les autres finalistes et décrocher l'or olympique après bouclé les (presque) quatre tours de piste en 3 minutes 44 secondes et 8 centièmes, devançant largement les médaillés d'argent et de bronze que furent l'Américain Leonel Manzano et le Marocain Abdelaâti Iguider. Le peuple algérien pouvait dès lors donner libre cours à sa joie manifestée sobrement en cette belle et désormais historique soirée ramadhanesque. Souk-Ahras vibrait pour son enfant prodige. L'Algérie entière frémissait de bonheur pour celui qui venait de rejoindre dans le Panthéon des Immortels du sport national les champions olympiques qui l'ont précédé, Hassiba Boulmerka, Noureddine Morceli, le défunt Hocine Soltani et Nouria Bénida-Merah. De là où il se trouvait à Londres, Taoufik Mekhloufi pouvait d'ailleurs sentir cette clameur qui montait dans le ciel d'Alger et cette ferveur qui s'est emparée de la rue algérienne, toute fière de son nouveau héros national. L'accueil officiel et populaire qui a été réservé au nouveau roi du 1500 mètres aura, d'ailleurs, été à la mesure de l'exploit réussi en terre britannique par le seul et unique médaillé algérien de ces J.O de Londres. Félicité par le Président de la République, honoré par le ministre de la Jeunesse et des Sports et acclamé par la rue lors d'un défilé dans les boulevards et artères de la capitale, Taoufik Mekhloufi sera, aussi et surtout, très courtisé par les annonceurs qui voudront profiter de la nouvelle renommée internationale du champion olympique pour les besoins de leurs campagnes de publicité. Société pétrolière de standing mondial et opérateur téléphonique national seront ainsi les premiers à couvrir d'argent le médaillé d'or et à gagner le droit d'utiliser son image de marque et sa notoriété soudaine et grandissante pour promouvoir leurs produits respectifs. Cette belle rançon de la gloire acquise sur les pistes londoniennes par le nouveau chouchou des différents supports médiatiques algériens ne lui fera, cependant, pas tourner la tête ou “gonfler le melon". Sobre et réservé comme il l'a été avant et après son sacre olympique, Taoufik Mekhloufi affichera clairement ses ambitions : gagner d'autres titres, principalement aux prochains Championnats du monde 2013 qui se dérouleront à Moscou et, surtout, s'attaquer aux édifiants scores planétaires de la légende marocaine Hichem El-Guerrouj qui détient encore les records du monde en plein air du 1 500 m (3 min 26 s 00), du mile (3 min 43 s 13) et du 2 000 m (4 min 44 s 79), ainsi que les meilleures performances mondiales de tous les temps du 1 500 m et du mile en salle. Ayant préféré rater la cérémonie en l'honneur des champions algériens que le ministère de la Jeunesse et des Sports a organisée tout récemment et à l'occasion de laquelle il aurait assurément été le héros de la soirée à l'applaudimètre, pour continuer sa préparation d'avant-saison dans l'altitude éthiopienne sous la coupe de son entraîneur somalien Jada Adel, Taoufik Mekhloufi sait qu'il sera grandement attendu en 2013. Une nouvelle année qu'il aura à cœur d'embellir avec d'autres exploits pour qu'elle soit tout aussi passionnante que 2012, l'année de sa gloire olympique. R. B.