Dans son premier numéro, le Forum culturel du quotidien El Moudjahid a ouvert hier sur un dossier qui tient à cœur les cinéphiles : l'exploitation des salles de cinéma. Parler de ce volet nécessite en réalité beaucoup plus de temps que celui imparti par la conférence, d'autant que la présence des gens du 7e art ouvre l'appétit à un débat de bonne facture. Le panel réuni était composé de Lyazid Khodja, cinéaste et producteur, connu particulièrement des adeptes de la filmathèque Ibn-Zeydoun de Riadh El-Feth, Rachid Dechimi, cinéaste, producteur et distributeur, M. Hamdi, représentant de la Cinémathèque algérienne, M. Loukal, élu représentant l'APC d'Alger-Centre, commune qui a la charge de gérer plusieurs salles de cinéma. Le consensus est commun : il est plus que temps de prendre ce secteur en main. Et par n'importe qui et n'importe comment. Lyazid Khodja renvoie l'assistance à l'époque où on a fermé l'Anaf et le Caic, organismes qui s'occupaient jusqu'au début des années 1990 de la promotion du cinéma. La décennie noire est venue pour achever le peu de volonté qui subsistait et accentuer l'arrêt de la diffusion. Il faut dire aussi que la production cinématographique a connu un tel déclin par rapport aux années 1960-70 et même 1980 que les quelques salles qui pouvaient encore assurer une projection plus ou moins correcte ne trouvaient pas de quoi tourner. Bien sûr, on nous aura sorti toute une panoplie de motifs comme la question de la diffusion. Les initiatives lancées dans ce sens par le ministère de la Culture n'ont jamais abouti, du moins concrètement. Et pour compliquer davantage les choses, on a vu surgir le litige qui oppose les APC au département ministériel sur la récupération des salles de cinéma. Les APC ne veulent pas céder d'un iota. Le représentant de la commune d'Alger-Centre a fait savoir à ce sujet que la municipalité a en charge une douzaine de salles en rénovation dont l'Algeria qui rouvrira dans deux mois alors que Le Casino attend d'être équipé. L'intervenant a soulevé, toutefois, la problématique des métiers du cinéma où les sonoristes et les projectionnistes font défaut, bien qu'un institut, l'Ismas, assure ces formations. L'autre problème et non des moindress est le matériel “obsolète" qu'on continue d'utiliser. “À l'heure de la 3D, on est toujours à l'analogique", fait-il remarquer. En somme, conclut ce dernier, “notre objectif est de faire fonctionner ces salles aux normes internationales et il y a tout un travail à faire sur ce plan". Rachid Dechimi en tant que distributeur parle du rôle important des médias qu'il qualifie de force de frappe pour assurer une bonne distribution. Cependant, le coût élevé de la mise en conformité des salles de cinéma en les dotant de technologies adéquates revient cher, un point à ne pas négliger selon les intervenants. Revenant à la charge, Lyazid Khodja s'interroge sur la bicéphalie qui régit ces salles : deux représentants de deux ministères qui se réclament la tutelle : l'Intérieur et la Culture. “Pourquoi ne pas créer un secteur étatique ayant la responsabilité de gérer ce volet. De même qu'il serait judicieux de créer un centre de formation de toutes les techniques du cinéma", suggère le cinéaste. Et d'exprimer sa déception : “J'ai envie de pleurer en voyant fêter la réouverture d'une salle de cinéma." Une déception partagée par tous les amoureux du 7e art. Le cinéma algérien, sur l'ensemble de son parcours, mérite mieux que ce désengagement des pouvoirs publics sans qu'aucune politique de remplacement ne soit portée. Au lendemain de l'Indépendance, il y avait près de 500 salles de cinéma, autant qu'en Grande-Bretagne et en Egypte, trois fois plus qu'au Maroc et la Tunisie réunis. Il est temps peut-être d'établir les états généraux du cinéma, pour reprendre l'expression d'un grand cinéphile. A F