Résumé : Les radios ne révélèrent rien de grave. Mon médecin me rassure et me prescrit quelques médicaments, tout en me recommandant de me reposer. Youcef approuva, mais je ne pouvais suivre ce conseil tant que la manifestation des femmes en difficulté n'avait pas eu lieu. Je devrais tenir le coup jusque-là. Je raccroche rapidement afin d'éviter d'autres remontrances. Youcef avait raison. Cela faisait des mois que je travaillais sans relâche. Parfois, je perdais même la notion du temps. J'avais raté le briefing. J'étais en retard à la rédaction. Mais depuis ma querelle avec le rédacteur en chef, on m'avait laissé tranquille. Personne n'avait le droit de me faire une remarque. J'étais aussi celle sur qui on comptait pour maintenir le tirage en augmentation constante. Je m'installe dans mon bureau où m'attendait une pile de courrier. Mes collaboratrices avaient déjà entamé le tri et avaient classé les missives par ordre d'importance. Une invitation à un débat à la télévision, un entretien à la radio, un rendez-vous avec une chaîne étrangère et un écrit émanant d'un journal étranger qui me proposait un poste de travail. Je m'étire sur ma chaise. Je ne risque pas de chômer. J'étais très sollicitée, et mes lecteurs se comptaient par centaines. Je pousse un soupir. Ah ! Si on savait les sacrifices que je suis en train de faire pour me maintenir à flot ! Comme toutes les femmes d'affaires et les politiciennes, je ne pouvais réussir que sur les débris de ma vie personnelle. Et ça, je ne pouvais le tolérer. Le téléphone se met à sonner. Je décrochais en espérant que ce n'était pas encore un cas désespéré. La voix de la présidente de l'association des femmes en difficulté me rassure : -Ah, je vous retrouve enfin. -Je suis toujours là figurez-vous. -Oui, mais vous êtes si prise... Je ne vais pas tourner en rond sur ce point. Je voulais juste vous communiquer un avis. Nous avons fixé la date de notre manifestation. C'est dans une semaine tout au plus. De ce fait, nous lançons un appel à toutes celles qui tiennent à y participer de se joindre à nous. Au préalable, elles devraient passer à l'association pour retirer les formulaires d'inscription. -Elles doivent y adhérer obligatoirement ? -Pas tout à fait. Mais nous aimerions connaître toutes les participantes. Parfois il y a des intruses. -Qu'appelez-vous des intruses ? -Eh bien, toutes ces femmes qui n'ont rien à voir avec notre mouvement et nos objectifs. Elles ne sont là que pour la vitrine.Vous comprenez ? -Je vais tenter de faire un papier. J'aimerais solliciter votre association sur des cas un peu complexes. Des femmes qui ont besoin d'aide. -De quoi s'agit-il ? Nous en recevons tellement ces derniers temps, qu'il me semble parfois que ce n'est que des “passagères curieuses". - Les femmes que je vous confie ne sont pas des cas de curiosité. La société est une véritable passoire, elle filtre elle-même ces cas, et ce que je vous propose est très sérieux. -Je vous écoute. -Je risque d'être un peu longue pour vous narrer le cas des femmes que j'ai reçues ici même à la rédaction pas plus tard qu'hier. Mais pour en savoir plus, vous n'aurez qu'à jeter un coup d'œil sur ma rubrique demain. Je ne sais pas si vous pouvez aider Kenza. Je la confie à l'une de nos meilleures avocates. Mais un soutien psychologique de votre part sera précieux. -Orientez-là vers nous. C'est un cas de divorce ? -Bien pire. Il y a des femmes qui sont soumises aux plus basses besognes. -Nous sommes à l'écoute de toutes les femmes en difficulté. -Alors essayez de les aider et de les guider. -Je ferai de mon mieux. N'oubliez surtout pas de venir pour la couverture de la manifestation et tâchez de convaincre le plus de femmes à y participer. Nous comptons sur votre mot dans la presse. Je raccroche en me tenant la tête. J'avais l'impression que mes neurones n'avaient plus assez d'espace pour assimiler autant de problèmes et de préoccupations. Je passe la main sur mes yeux fatigués, avant d'allumer mon ordinateur. Une autre journée, un autre article à préparer, un sujet brûlant, et des curiosités à satisfaire. (À suivre) Y. H.