Le gouvernement est appelé à arbitrer entre les consommateurs et la corporation. Trois solutions possibles se présentent aux responsables du ministère du Commerce pour régler la problématique de l'augmentation éventuelle des prix du pain à laquelle menacent de recourir les boulangers. La première proposition a trait à la déréglementation des prix du pain. Autrement dit, laisser les prix du marché s'opérer d'eux-mêmes selon ses mécanismes. Sinon, maintenir les tarifs du pain et de la farine dans le régime des prix réglementés mais en réajustant ceux (prix) du pain et par conséquent les coûts de la farine. La troisième issue à la crise qui risquerait de surgir au cas où les commerçants vendraient leur pain plus cher, est la mise en place d'un dispositif de stabilisation des prix. Cette dernière mesure peut s'effectuer dans le cadre d'une loi de finances complémentaire à travers des dispositions qui permettront d' “écrémer” en cas de baisse des prix et de soutenir quand les tarifs flambent. Une chose est certaine, avoue une source proche du ministère du Commerce, dans ce dossier, il faut qu'il y ait une victime. L'un des maillons de la chaîne, à savoir, l'importateur ou les minoteries ou encore le consommateur doit subir les conséquences de la décision qui sera prise. Compte tenu de la situation actuelle, marquée par un climat de préélection, il est toutefois, peu vraisemblable que l'Etat réponde positivement aux doléances des boulangers. En termes plus clairs, il (l'Etat) ne souhaiterait pas qu'une hausse des prix d'un produit aussi sensible que le pain intervienne à la veille des élections présidentielles. Les pouvoirs publics pourraient ainsi imposer un prix aux importateurs de blé tendre et la différence, conséquente à la flambée des tarifs sur le marché mondial, sera prise en charge par le Trésor public. Les propositions de la tutelle, faut-il le souligner, ont été longuement discutées samedi dernier par les différentes parties concernées au cours d'une réunion qui a regroupé les dirigeants de l'OAIC, les minotiers publics et privés et les boulangers. Les suggestions seront soumises au gouvernement et feront l'objet incessamment de débats au cours d'un Conseil interministériel (CIM) dont la date n'est pas encore arrêtée. C'est à l'issue de ce CIM qu'une décision définitive serait prise. Le problème des boulangers, si l'on tente de l'expliquer, a commencé suite à la hausse qu'ont connue les prix du blé tendre sur le marché international depuis la fin de la récolte écoulée. Les besoins de notre pays en blés tendre et dur, pour rappel, avoisinent en moyenne les 50 millions de quintaux annuellement. En outre, la sécheresse qui a touché certains pays producteurs et les inondations en affectant d'autres en Europe tels que la France, l'Allemagne, ont diminué d'une manière sensible l'offre. D'où l'envolée des prix à l'importation du blé tendre. Il est passé, en effet, de 130 dollars/tonne en mai dernier à 210 dollars /tonne vers la fin de l'année 2003. Cette tendance va certainement se poursuivre, disent les services du département de Boukrouh. “Nous ne savons pas ce que nous réserve la prochaine récolte aux plans national et international”, précise la même source. Cette situation inattendue a engendré le retrait logique des importateurs qui ont abandonné leurs activités. À titre illustratif, en novembre dernier, il a été importé quelque 6 946 tonnes de blé tendre par le privé. Or, ce chiffre a été revu à la baisse pour atteindre les 3 864 tonnes seulement en décembre dernier. Conséquence : l'approvisionnement des minoteries privées a baissé et leurs capacités qui ne dépassent pas 40%, le confirment clairement. Pour cela, l'OAIC a été instruite d'approvisionner ces entreprises de transformations privées jusqu'à hauteur de 50% de leurs capacités afin d'éviter leur fermeture. C'est ainsi que les minoteries dites intégrées (qui produisent les farines supérieures et de panification, les semoules et les pâtes alimentaires) continuent à travailler sans être affectées par la moindre contrainte. Les sociétés qui ne fabriquent que la farine de panification subissent, en revanche, les conséquences. Car, elles achètent le blé tendre qui est leur matière première, à des prix évalués dans la fourchette de 1 550 et 1 650 DA/quintal de blé tendre. Or, avec de tels tarifs, les minotiers ne peuvent céder leur farine de panification qu'à des prix allant de 2 250 à 2 500 DA/quintal. Ce qui constitue une transgression du décret exécutif N° 96-132 du 13 avril 1996 stipulant que les tarifs du quintal de farine de panification et ceux du pain courant et amélioré relèvent du régime des prix réglementés. Le texte fixe de ce fait le prix du pain courant à 7,50 DA, la baguette de 250 grammes (grs). Celui du pain amélioré a été arrêté également à 8,50 DA la baguette de 250 grs. La farine panifiable a été fixée, conformément à cette loi, à 2 000 DA/quintal. Ce produit a été, faut-il l'expliquer, déterminé sur la base du prix d'un quintal de blé tendre estimé entre 1 285 et 1 300 DA. Résultat des courses : les minoteries ne sont pas en mesure de respecter cette réglementation puisque, par souci de rentabilité, elles ne peuvent vendre leur farine qu'à un prix se situant entre 2 250 DA et 2 500 DA/quintal. Cet état de fait n'a pas laissé indifférent les boulangers qui ont revendiqué le relèvement des prix du pain courant et amélioré. Pour eux, les prix du gaz, de la main- d'œuvre, du fioul, …ont augmenté tandis que ceux du pain demeurent inchangés depuis 1996. Les services du ministère du Commerce rassurent, cependant, la population que malgré cette tension, les quantités intra muros en blés peuvent garantir une couverture en moyenne de 250 jours et les contrats passés par l'OAIC avec les fournisseurs peuvent en outre faire face aux besoins pour l'année en cours jusqu'à juin 2005. B. K.