Résumé : Malgré une prise de bec avec Youcef, et ma fatigue, je décidais de me rendre à la rédaction. Mon papier avait fait la une. Des collègues vinrent prendre de mes nouvelles. Des messages de sympathie pleuvaient. La photographe me tendit un paquet de photos de la manifestation. Je touche mes pansements, oui, ils sont toujours là. Je devrais repasser à l'hôpital en fin de journée pour les changer. -Je suis belle ainsi accoutrée. Une nouvelle mode pour les nanas, rétorquais-je. Tout le monde rit sauf la photographe. Elle prend un air outré et s'approche de moi davantage : -Vous ne voulez pas rencontrer celle qui vous a agressée? -Pourquoi faire ? -Elle est en garde à vue au commissariat de police où on attend votre déposition. - Ce ne sera pas nécessaire. Je passe l'éponge. Téléphonez pour qu'on la libère. -Vous n'y pensez pas ! -Mais si, je le pense. -Vous savez au moins pourquoi elle vous a agressée ? -Une réaction légitime de la part d'une femme qui n'épouse pas mes idées. -Mais non, ce n'est même pas ça, cette femme est contre toutes celles qui veulent évoluer. Pour elle, une femme comme vous, n'en vaut pas la peine. Vous êtes toutes des voleuses d'hommes ! -Des quoi ? La photographe pousse un soupir : -Cette femme est en colère contre les femmes du monde entier, et en particulier contre toutes celles qui veulent avancer. Elle est victime de son esprit possessif. -Pourquoi est-elle possessive ? -Eh bien, elle n'admet pas le fait que son fils unique la quitte. Il est parti il y a de cela deux ans pour faire sa vie de son côté. - L'esprit critique. Je vois : la belle-mère qui en veut à la belle-fille d'avoir pris son fils. Elle oublie qu'elle-même avait pris le fils d'une autre. Belles-filles nous subissons, et belles-mères nous faisons subir. Les coups de marteau reprenaient de plus belle dans ma tête. Je n'étais pas en assez bonne forme pour reprendre le boulot. Et pourtant j'étais là. Je jette un coup d'œil sur les photos prises la veille. Elles étaient formidables. Un beau travail. Tout s'étalait là, tel un film muet, mais très expressif. -Tu as fais du bon travail. Mais pour la femme qui m'a agressée, il ne faut pas trop s'en faire. Je vais téléphoner au commissariat et demander qu'on la libère. Elle hausse les épaules : -Comme vous voudrez. -Je ne devrais pas donner un mauvais exemple n'est ce pas ? Mes collaboratrices se mettent à rire : -Vous êtes le bel exemple vous-même. -Bien ! et maintenant dites-moi ce qu'il y a comme matière. -Des femmes sont venues prendre de vos nouvelles ce matin. Nous les avons rassurées. Des lecteurs n'ont pas cessé d'appeler. Vous êtes très sollicitée. L'incident d'hier n'est pas passé inaperçu. Il a même rehaussé votre notoriété. Je fais un geste de ma main : - Qu'à cela ne tienne. Je ne peux pas recevoir trop de monde aujourd'hui. Je me sens si fatiguée. Vous allez devoir faire face à toutes les réactions. Je compte sur vous pour remercier toutes celles et tout ceux qui s'étaient inquiétés pour moi. Je quitte la rédaction, non sans avoir auparavant appelé le commissariat de police pour demander qu'on libère mon agresseur. Quelques adhérentes de l'Association des femmes en difficulté avaient voulu me rencontrer, mais j'ai refusé. (À suivre) A.H.