La persistance du Chef du gouvernement tunisien, à constituer un cabinet composé de technocrates, malgré le refus de son parti Ennahda, est un signe annonciateur de cassure au sein de cette formation politique islamiste. En effet, il ne fait aucun doute que le courant ne passe plus entre Hammadi Jebali et son mentor Rached Ghannouchi. Les deux hommes ne voient plus de la même manière l'avenir de la Tunisie. Mieux, le Premier ministre ne tient compte ni de la position de son parti, ni de celle de l'Assemblée nationale constituante, comme l'indique cette déclaration. “Je m'en tiens à ma décision de former un gouvernement de technocrates et je n'aurai pas besoin de l'aval de l'Assemblée nationale constituante". Sur un ton de défiance, il a ajouté que “la composition de ce gouvernement est quasiment prête". Pour rappel, il avait déclaré juste après l'assassinat de Chokri Belaïd : “J'ai décidé de former un gouvernement de compétences nationales sans appartenance politique, qui aura un mandat limité à la gestion des affaires du pays jusqu'à la tenue d'élections dans les plus brefs délais." Réagissant à cette déclaration, le parti Ennahda a opposé une fin de non-recevoir à cette initiative de Hammadi Jebali, pourtant numéro deux de la formation islamiste, et a affirmé que celui-ci n'avait pas consulté sa direction. Hammadi Jebali, un modéré au sein de son parti, est entré ainsi en conflit ouvert avec la direction du mouvement, aggravant encore la crise politique en Tunisie alors qu'Ennahda ne parvient pas depuis des mois à s'accorder avec ses alliés laïques sur un remaniement gouvernemental. De son côté, la présidence de la République a rappelé que tout changement de pouvoir devait passer par l'ANC, dont Ennahda contrôle 89 des 217 sièges. Cependant, la décision du Premier ministre a été saluée par l'opposition et la société civile comme une chance de sortir le pays de l'ornière. Pour mieux montrer son opposition à cette initiative, le parti islamiste tunisien Ennahda a appelé à une manifestation hier à Tunis pour défendre “la légitimité" du pouvoir, désavouant son Premier ministre Hamadi Jebali qui veut former un gouvernement de technocrates face à la crise provoquée par l'assassinat d'un opposant. Il ne fait aucun doute que le meurtre de cet opposant virulent et très médiatisé aux islamistes a plongé la Tunisie encore plus profond dans la crise politique et sociale. Les manifestations et conflits sociaux, souvent violents, se multiplient depuis l'été en raison du chômage et de la misère, deux facteurs-clés de la révolution. Et faute de compromis sur la nature du futur régime, l'élaboration de la nouvelle Constitution par l'ANC est paralysée, Ennahda insistant sur un régime parlementaire pur, alors que ses alliés et l'opposition laïques insistent sur un régime mixte laissant des prérogatives importantes au chef de l'Etat. La Tunisie a aussi été déstabilisée par l'essor de groupuscules salafistes djihadistes responsables de plusieurs attaques sanglantes, la plus grave ayant visé l'ambassade américaine en septembre. M T./Agences