Tous les Algériens peuvent se soigner, qu'ils soient assurés sociaux ou non. C'est l'un des plus grands acquis de notre peuple, que beaucoup de pays nous envient. Pourtant, beaucoup de nos hôpitaux se transforment en mouroirs, et l'accès aux établissements hospitaliers est un vrai parcours du combattant. Il y a ceux qui ont le privilège de se soigner à l'étranger ou dans des cliniques privées, et la “canaille" qui, faute de moyens, s'en remet à la médecine publique en dépit de toutes les difficultés d'y accéder. Le secteur de la santé, parce qu'il touche à la vie humaine, revêt un caractère sacré. Comment expliquer alors l'accumulation de nombreux et multiples problèmes ainsi que les retards considérables qu'il accuse par rapport aux immenses besoins de la société. N'est-il pas aussi malade de son instabilité et des intérêts occultes qui le sous-tendent ? De nombreux ministres (une dizaine environ) se sont succédé, en moins de dix ans, à la tête de ce département. On comprend aisément que la continuité et la cohérence dans l'action ne sont pas toujours évidentes. Surtout en l'absence de tout dialogue et de toute concertation avec les professionnels et les praticiens de la santé publique. Parmi les contraintes généralement identifiées par les experts et auxquelles demeure confronté ce secteur, les plus saillantes sont la vétusté des équipements, l'insuffisance en lits, le déficit en ressources humaines qualifiées, l'indisponibilité de médicaments, les disparités inter et intra régionales dans les conditions d'accès aux soins et dans l'affectation des spécialistes. L'absence de dialogue avec le partenaire social, particulièrement relevée sous l'ère Barakat, qui s'était drapé d'un “autoritarisme stérile", n'était pas de nature à créer les conditions de sérénité et de communication avec l'ensemble des acteurs en présence, pour le lancement de l'ambitieux plan de développement 2010-2014. La saignée de spécialistes dans différentes disciplines qui ont opté, à leur corps défendant, pour aller exercer sous d'autres cieux (ils seraient selon certaines sources plus de 10 000) n'aura donc pas suffi aux responsables du secteur de réfléchir aux causes de ces pertes sèches pour le pays, sachant le coût ainsi que la durée de formation d'un spécialiste supporté par la collectivité nationale. Pourtant, le président de la République, au cours du conseil des ministres tenu le 11 mai 2010 et consacré à la contractualisation des soins dans les hôpitaux avec les mécanismes de la sécurité sociale, a clairement appelé à la mobilisation de tous : “Le droit à la santé constitue un des droits fondamentaux des citoyens et dont elle entend désormais améliorer davantage la qualité de la maîtrise des coûts. C'est là un défi que nous devons relever avec la participation de tous, car il y va de la pérennité de notre système national de santé publique et de sa gratuité." Par ailleurs, au plan de la gestion, le conseil des ministres du 13 avril 2009, consacré au diagnostic de secteur de la santé et à la définition des objectifs à atteindre ainsi que les actions à mettre en œuvre, avait, pour la énième fois, tiré la sonnette d'alarme et préconisé des mesures d'impulsion : “Une réforme profonde du système de santé qui vise des objectifs précis, dont notamment le rapprochement de la santé du citoyen, la hiérarchisation des soins, la réhabilitation de la prévention et des soins de base, la prise en charge de la transition épidémiologique, la levée des disparités géographiques et le développement progressif de la qualité de service." Le même conseil des ministres avait décidé de la densification et de la réhabilitation des structures de santé, de la mise à niveau des plateaux techniques et de l'ouverture de l'investissement hospitalier au secteur privé national et étranger. “En dépit des moyens importants alloués, le rendement reste faible, la qualité défaillante, les conditions d'accueil et de séjour des malades sont mauvaises et les attentes au niveau des plateaux techniques sont longues", disait Abdelatif Benachenhou, ministre des Finances à l'époque. Cependant, et malgré toutes ces contraintes, la santé publique en Algérie a enregistré des progrès notables. Ainsi, les indicateurs démographiques font apparaître une baisse de la mortalité maternelle et infantile, une augmentation de l'espérance de vie. En revanche, les indicateurs épidémiologiques révèlent une hausse des maladies non transmissibles (hypertension artérielle, maladies cardiovasculaires, diabète...). Ce type de pathologies serait dû aux progrès économique et social réalisés par la société algérienne, qui tend à être confrontée aux mêmes pathologies que les pays développés. L'espérance de vie des Algériens se rallonge et les structures d'accueil en milieu hospitalier des personnes âgées continuent de manquer cruellement, et dont les conséquences dans certains cas se traduisent par la transgression du respect de la dignité humaine. Devant l'incurie qui caractérise le mode de gestion de ce secteur vital, les couches moyennes et les nantis se tournent vers un secteur privé utile, mais qu'il faut développer et encadrer par des cahiers des charges rigoureux, notamment au niveau de l'éthique et de la déontologie, afin d'éviter les pratiques mercantiles aux dépens de la vie humaine. A. H.