La visite que devait effectuer le Chef du gouvernement au Maroc le 22 juin n'aura vraisemblablement pas lieu en raison de l'attitude négative des autorités marocaines qui l'ont qualifiée “d'inopportune”. De son côté, notre ministère des Affaires étrangères dit “prendre acte de cette nouvelle volte-face marocaine”. Jeudi, un communiqué du ministère marocain des Affaires étrangères et de la Coopération annonçait : “Dans ce contexte regrettable, la visite envisagée au Maroc du Premier ministre algérien, M. Ahmed Ouyahia, accompagné d'une délégation comprenant plusieurs ministres, s'avère pour le moment inopportune, dans l'attente d'une position algérienne cohérente et d'une clarification des intentions réelles, actuelles et futures de l'Algérie quant à ses rapports avec le Maroc et à l'édification maghrébine”. Tentant de justifier cette démarche, le Maroc estime que “les prises de position affichées, ces dernières semaines, par les autorités algériennes sont en nette contradiction avec les objectifs de normalisation bilatérale, de rapprochement entre les deux peuples frères et de relance effective de l'Union du Maghreb arabe. Elles sont également en opposition avec les engagements bilatéraux, pris au plus haut niveau, d'œuvrer au développement des relations bilatérales et maghrébines, tout en laissant le soin aux Nations unies de rechercher une solution politique et définitive au différend sur la question du Sahara marocain”. Du côté algérien, à l'exception de la déclaration de Abdelaziz Belkhadem à Liberté, n'excluant pas le maintien de cette visite, car elle entrait uniquement dans le cadre de la concertation bilatérale pour faire avancer les dossiers en suspens et faire le point sur les commissions mixtes, aucun officiel n'avait confirmé ou infirmé cette information. Même Ahmed Ouyahia n'a pas confirmé son séjour au Maroc lors de son passage la semaine dernière devant le Conseil de la nation, dans le cadre de sa déclaration de politique générale. Il s'était contenté de dire que sa priorité allait aux affaires internes, qui nécessitaient “une grande attention”. Pourtant, il y a quelques jours seulement, l'ambassadeur du royaume alaouite à Alger, M. Mohammed Saïd Benrayane, annonçait qu'il avait rendez-vous avec le ministre algérien délégué à la Coopération et aux Affaires africaines et maghrébines, M. Abdelkader Messahel, pour préparer la visite du Chef du gouvernement algérien au Maroc. Qualifiant celle-ci de “très importante pour la suite des relations bilatérales”, le diplomate marocain avait laissé apparaître une réelle disponibilité des autorités de son pays à accueillir Ahmed Ouyahia. Un retournement brutal Le ministre marocain de la Coopération lui avait emboîté le pas en se permettant de donner les noms des personnalités qui accompagneraient le Premier ministre algérien dans son déplacement, à commencer par Mohamed Bedjaoui et Noureddine Yazid Zerhouni, respectivement ministres des Affaires étrangères et de l'Intérieur. Il ne fait aucun doute qu'il s'agit là d'une intention de rupture très claire que Rabat cherche à mettre sur le dos de l'Algérie. À la lumière de ce développement, tout indique que les relations bilatérales entreront dans une nouvelle phase de crispation, remettant du coup en cause les perspectives nées au lendemain du Sommet d'Alger entre le président Bouteflika et Mohammed VI. La question du Sahara étant à l'origine de ce nouveau blocage. En effet, l'Algérie n'a jamais lié les relations bilatérales à la question du Sahara occidental. Pour preuve, sa disponibilité à prendre part au dernier sommet de l'Union du Maghreb arabe reporté sine die le 25 mai dernier à Tripoli, bien que le dossier sahraoui n'eût pas figuré à l'ordre du jour de cette réunion. K. ABDELKAMEL