Dans son intervention hier au Forum de Liberté, le ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques a fait le point sur le développement de son secteur, la consommation des ménages et impute la flambée des prix que connaît de plus en plus le poisson à la spéculation et le nombre incessant d'intermédiaires. En battant en brèche cette idée récurrente que le poisson meurt de vieillesse en Algérie, le ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques, Sid-Ahmed, Ferroukhi, a surtout insisté sur l'urgence de prendre en charge, à bras-le-corps, les préoccupations des gens de la profession afin de permettre une relance rapide du secteur. Au-delà de cette “idée préconçue", une phrase trop souvent ressassée selon le ministre “et dont on ne sait d'où elle est sortie", le ministre a surtout abordé dans son intervention préliminaire au Forum de Liberté, les raisons stratégiques justifiant l'intérêt à accorder à l'économie de la pêche en Algérie, “une économie productive renouvelable". En termes de disponibilité, le ministre reconnaît que 40% des ménages algériens ont un problème d'accès. Ce chiffre aura tendance à augmenter, selon lui, plus l'on descend vers l'intérieur des terres. Et pour cause, la consommation dans les régions côtières est, selon lui, deux fois plus importante que dans les régions intérieures. S'agissant du prix excessif des produits de la mer en Algérie, le ministre appréhende cette donnée comme un indicateur final mettant en jeu un processus économique, technique, etc. De toute manière, pour lui, “avec l'utilisation des huiles et farines de poissons, les prix augmentent dans le monde entier". Le ministre en veut pour preuve l'indice des prix actualisé régulièrement par la FAO. Le ministre a tenté, ainsi, de relativiser cette “pénurie". “Il ne faut pas exagérer. L'Algérie n'est pas dans la zone la plus poissonneuse du monde. La mer Méditerranée est une mer intérieure. Elle ne se renouvelle que tous les 80 ans..." De plus, selon lui, l'Algérie a un plateau continental parmi les plus réduits de la région (526 600 km2). Pour lui, la ressource est disponible et la flottille algérienne a beaucoup évolué à la faveur notamment des différents dispositifs d'aide à l'emploi. Sa priorité est d'instaurer “un meilleur contact avec les professionnels". Le facteur humain semble être, ainsi, prépondérant dans l'approche intégrée que préconise le ministre dont la seule préoccupation est, selon lui, “la réalité du terrain et une gestion responsable de la ressource". Il y aussi la nécessité d'instaurer des règles transparentes qu'il faut opposer à tous. L'intégration de tous les acteurs du secteur de la pêche, la plupart des opérateurs privés, ne semble pas de tout repos. “Nous ne sommes pas dans une logique de confrontation. Il faut aller en profondeur et agir à différents niveaux", assure le ministre, rassembleur. L'Algérien est un “sardino-dépendant" En donnant de nombreux chiffres, le ministre a situé la place qu'occupe l'Algérie dans le domaine de la pêche et la place de la sardine dans le modèle de consommation alimentaire des Algériens. D'après lui, 83% de la consommation de poissons frais en Algérie concerne uniquement la sardine dont, décidément, raffolent les Algériens. La consommation de poissons (et de la sardine notamment) est pour les ménages une source de diversification des protéines animales et d'un apport calorique certain. “Si l'Algérie ne dispose que de 5% de la flottille méditerranéenne près de 30% de ses navires sont des sardiniers". Pour la capture des petits pélagiques, le ministre nous apprend que “l'Algérie est championne en Méditerranée". Le succès que connaît la sardine dans nos assiettes revient aussi aux vertus thérapeutiques qu'on attribue à ce petit poisson riche en phosphore, en calcium, en magnésium et en vitamine B3. Le ministre convient que c'est “un médicament". Est-ce pour autant une raison que la sardine soit hors de prix ? S'agissant du renchérissement des prix de la sardine, le ministre n'a pas indiqué avec précision où le bât blesse. Pour lui, tous les indices démontrent, au contraire, que la production est en hausse et que l'approvisionnement du marché est stable. Mieux, il considère que les systèmes de commercialisation et de distribution sont aujourd'hui “plus efficaces et mieux organisés" et participeraient, selon lui, à une amélioration de la formation des prix. À l'en croire, s'il y a une distorsion entre l'offre et la demande, cela ne peut être le fait que des spéculateurs qui, de cette manière, seraient, seuls responsables de la flambée des prix. Le citoyen, lui, soupçonne, non sans raison, le nombre d'intermédiaires dans le circuit de distribution qui serait à l'origine de cette situation. Pour le ministre, le métier de mandataire existe pourtant en Algérie depuis au moins un siècle. S'agissant des scandales dont le secteur de la pêche n'est pas exempt hélas, le ministre a évacué d'un revers de la main tout ce qui se raconte autour des filets dérivants, des transactions en haute mer en faveur des flottilles étrangères ou encore l'affaire du thon, traitée actuellement par la justice. Concernant le maintien de l'interdiction de la pêche et de l'exploitation du corail, cette décision dépend, d'après lui, de l'action des services de sécurité suivie par une évaluation objective de la situation. Respect de la nature “Si on valorise la ressource, on valorise aussi notre patrimoine naturel", martèle le ministre, pour qui la protection des écosystèmes marins ne peut être un vain mot. Si pour le ministre, “la ressource est gérée de manière durable dans le cadre d'une démarche participative", les pêcheurs, eux, sont non seulement les premiers témoins de la dégradation de l'environnement marin mais aussi ses premières victimes. À en croire le ministre, les professionnels de la pêche qui souhaitent garantir la pérennité de leur “gagne-pain" sont très sensibles à cette question de l'environnement. Dans cette perspective de développement durable, des formations de marin pêcheur, “un métier qui s'apprend souvent sur le tas", vont être organisées par le ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques de concert avec le ministère des Transports, des formations qualifiantes. “Des classes spécialisées et un jury professionnel validera les aptitudes et autres connaissances acquises". Le ministre a évoqué également la mise en place de “récifs artificiels" et des “zones marines protégées" qui seront destinés à l'étude scientifique du milieu marin. Le but de ces récifs est d'attirer de nombreuses espèces de poissons et crustacés qui viendraient alors coloniser ces structures. “Il s'agit surtout de délimiter les zones de frai", indique le ministre, qui compte faire appel, pour cela, aux techniques les plus modernes comme la cartographie, la télédétection, ou encore l'hydrographie, des moyens de mesure très précis. Le ministre a, enfin, annoncé la signature prochaine d'un protocole d'accord avec la Mauritanie afin que nos patrons pêcheurs puissent disposer de licences de pêche dans ce pays voisin très poissonneux. Six mois après son installation, Sid-Ahmed Ferroukhi avoue ne pas être en mesure de tirer un bilan mais affirme néanmoins son optimisme quant au rôle qui lui échoit dans l'accompagnement des nombreuses opérations en cours. M C L