Tout de même. Le gouvernement aurait pu épargner à la région un regain de tension, si la décision avait été enrobée dans un minimum de légalité. Cela passe par l'implication directe du chef de l'Etat qui possède les prérogatives constitution-nelles pour dissoudre les Assemblées élues à l'échelle du pays. On ne s'étonne plus dans ce pays de la facilité avec laquelle l'équipe au pouvoir foule au pied la Constitution et les lois de la République. Le viol est tel qu'il est devenu une pratique politique. Une sorte de constante nationale pour reprendre un terme galvaudé. La facilité avec laquelle le gouvernement annonce la “révocation des indus élus” renseigne, hélas ! sur la disponibilité permanente des hommes de Bouteflika à enfreindre le sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs. Le propos ici n'est pas de se faire l'avocat des “élus” du 30 mai et du 10 octobre en Kabylie. On sait dans quelles conditions ils ont obtenu leur mandat, et l'accueil que la population leur a réservé. Il ne s'agit pas, non plus, de flinguer des délégués qui sont parvenus à arracher au pouvoir une revendication martelée depuis une année et demie, même s'il est plus juste aujourd'hui de reconnaître ce mérite à ceux d'entre eux qui sont restés sur le terrain sans jamais abandonner les conditions posées pour ce dialogue, précisément, les préalables de la révocation des élus et la défiscalisation. Tout de même. Le gouvernement aurait pu épargner à la région un regain de tension, si la décision avait été enrobée dans un minimum de légalité. Cela passe par l'implication directe du chef de l'Etat qui possède les prérogatives constitutionnelles pour dissoudre les Assemblées élues à l'échelle du pays. Une telle démarche aurait pu enlever aux dirigeants des partis contestataires l'argument de la violation de la Constitution, argument pour le moins imparable. Mais voilà donc un chef de l'Exécutif qui décide d'autorité de concrétiser par écrit ce que toute une population n'a pas pu réaliser sur le terrain, en dépit de tous les sacrifices et malgré une répression féroce assumée à l'époque par lui et son ministre de l'Intérieur, sans oublier l'ancien Chef du gouvernement, Ali Benflis, passé aujourd'hui dans l'opposition. Conséquence : on fait mine de régler une partie d'un douloureux conflit en en créant un autre. Ce faisant, Ahmed Ouyahia, avec la bénédiction du chef de l'Etat, réinstalle la Kabylie dans un climat de tension à la veille de l'élection présidentielle. Est-ce l'objectif inavoué de ce dialogue ? Terrible paradoxe : c'est à l'heure d'un dialogue qu'on qualifie de fructueux que la rue bouge en Kabylie. F. A.