La Journée internationale de la liberté de la presse a été célébrée à Tipasa par l'Association des journalistes de cette wilaya sous le thème “50 années de médias en Algérie : hommage aux anciens journalistes algériens". La présence de Abrous Outoudert, Omar Belhouchet, Ahcène Djaballah Belkacem, Mostefaoui Belkacem et le Dr Ali Zaghlami, respectivement directeur du quotidien Liberté, directeur du quotidien El Watan, ex-directeur général de l'APS, directeur des études à l'Ecole nationale supérieure de journalisme (ENSJ)-chercheur en communication, enseignant à l'ENSJ, jeudi dernier à la bibliothèque urbaine de Tipasa, avait donné une autre dimension à la célébration de la Journée internationale de la liberté de la presse dans la wilaya de Tipasa, organisée par l'Association des journalistes de la wilaya. Le ministre de la Communication a délégué l'un de ses proches pour le représenter à cette rencontre à laquelle avaient assisté le chef de l'exécutif de la wilaya et le président de l'APW. “50 années de médias en Algérie : hommage aux anciens journalistes algériens", tel a été le thème de cette journée. L'intervention des conférenciers s'est articulée autour de l'état des lieux des médias en Algérie, l'éthique et la déontologie, les contraintes économiques et financières d'une entreprise de presse, la problématique de l'ouverture de l'audiovisuel en Algérie et enfin l'influence des nouvelles technologies sur les médias. Ahcène Djaballah Belkacem a relaté brièvement l'évolution et la situation actuelle des paysages médiatiques en Algérie, depuis le système de communication verticale dans le passé, avec une impression de plus de 400 titres de presse, un nombre de journalistes estimé à plus de 6 000 et 12 millions de lecteurs, selon un sondage. “Il y a un problème d'organisation de la corporation", estime l'ex-DG de l'APS. “Le monopole de fait de la communication institutionnelle, l'entrée des chaînes de télévision dont on ne connaît pas les éditeurs... Certes il y a effectivement une amélioration sur le plan quantitatif, mais sur le plan qualitatif, il reste encore beaucoup de choses à faire", déclare l'ex-DG de l'APS. L'intervention de Abrous Outoudert était de haute facture, décortiquant les origines des contraintes que vit au jour le jour une entreprise de presse. “Nous sommes une entreprise qui emploie 202 travailleurs et nous faisons face à une masse salariale de 12 millions de dinars. Nous sommes un journal mais aussi une PME avec les mécanismes de gestion qui sont les mêmes que ceux d'une autre entreprise", dit-il. L'orateur a abordé le coût d'un journal et le fractionnement du prix d'un journal, entre l'imprimerie, la distribution et ce qui reste pour l'entreprise de presse. “Il vous faut 56% de publicité pour équilibrer les comptes de votre journal tiré à 55 000 exemplaires. Plus on augmente le tirage, plus on déstructure l'entreprise. Vous savez que dans un journal de 32 pages, l'imprimerie prélève 9,05 dinars", enchaîne-t-il. L'assistance écoutait religieusement l'intervention du directeur de Liberté quand il s'étale sur les différents points relatifs aux difficultés d'acquisition du foncier quand le journal veut investir pour la construction d'un siège, la vérification des comptes qui ne s'effectue pas à l'ensemble des titres de la presse, les ruptures de stock du papier de presse, l'impossibilité aux journalistes de critiquer les concessionnaires de véhicules et les opérateurs de la téléphonie mobile, “car ils sont pourvoyeurs de publicité. Si on exige aux journaux de payer cash leurs factures, je vous assure que de très nombreux titres disparaîtront. Le journal est devenu un produit périssable, le lecteur est le seul juge, ce qui force la rédaction à remettre à jour continuellement son information, en tenant compte de la concurrence", conclut-il. Omar Belhouchet s'est montré tranchant lors de son intervention, face à une assistance qui n'a pas encore l'habitude d'écouter un discours cru sans retenue. Le conférencier reconnaît que le respect de l'éthique et de la déontologie demeure à présent l'un des parents pauvres de la presse algérienne. “L'éthique et la déontologie doivent être des notions sacrées. Il y a des journaux qui consacrent jusqu'à 45 jours pour effectuer une enquête sur un sujet, parce que l'administration ne communique pas l'information. Notre pays est très loin des schémas des pays développés, pourtant nous avons une obligation et un devoir d'informer les citoyens", commente-t-il. Le conférencier cite l'exemple des derniers sujets inhérents aux scandales qui viennent de secouer l'opinion publique nationale, comme c'est le cas de Sonatrach. Omar Belhouchet s'est interrogé sur la mécanique de création des quotidiens nationaux dont le nombre dépasse 110. “Il est temps aujourd'hui pour les pouvoirs publics et leur administration de reconnaître la liberté d'expression, indique-t-il, néanmoins beaucoup de quotidiens ont fait un effort dans la formation de leurs journalistes, bien que le plan de formation coûte très cher pour un journal", conclut-il. Mostefaoui Belkacem a mis l'accent sur la question de la citoyenneté car la liberté de communication est au cœur de la démocratie. “Il y a un nouveau combat pour faire survivre la liberté de communication. L'Algérie enregistre un retard immense dans l'audiovisuel ; nous ne pouvons pas rester encore dans ce marécage. Les médias ont le devoir de sauvegarder les socles des libertés d'expression, dans toute cette cacophonie, il ne peut pas y avoir des discussions, l'espace public est pollué, il n'y a que du bruit inutile avec la création des nouvelles chaînes de télévision. Je crains pour notre algériannité éternelle, il y a cette volonté de mettre les citoyens dans les situations de colonisabilité, nous ne voyons même pas le bâton qui nous frappe", conclut-il. Ali Zaghlami a abordé l'impact des réseaux sociaux qui diffusent des informations qui restent toujours à vérifier par les journalistes. À l'instar des autres pays, l'Algérie est affectée par ce phénomène. Âgés entre 25 et 35 ans, les facebookers algériens sont estimés à 4,5 millions d'autant plus qu'on ne lit pas assez la presse écrite aujourd'hui. Il cite l'exemple des jeunes de Tamanrasset qui n'attendent plus l'arrivée des journaux pour être informés. Ils se sont organisés pour rendre l'information rapide. “Les jeunes d'aujourd'hui ont leur notion du temps et de l'espace", explique le conférencier. La prolifération hasardeuse des médias et des formations politiques fait peur. “Je souhaite une décantation afin de permettre aux citoyens algériens l'accès à une communication de qualité", conclut-il. L'idée d'organiser une journée d'étude sur la communication institutionnelle locale, à Tipasa, a été lancée jeudi dernier. Un débat fructueux a suivi l'intervention des conférenciers, achevé par un texte en hommage aux journalistes algériens, écrit et lu par la moudjahida, Mme Amirat. M'Hamed H. Nom Adresse email