“Abane Ramdane était le chef incontesté de la Révolution à l'intérieur, Ben Bella était, lui, chef de fait de la délégation extérieure. Mais la désignation par Abane de Lamine Debaghine à la tête de la délégation extérieure n'était pas du goût de celui qui fut le dernier chef de l'OS (Organisation secrète). D'où cette rivalité de pouvoir entre les deux hommes." C'est ce qu'a déclaré Bélaïd Abane lors d'une conférence organisée dimanche à Montréal par la fondation Tiregwa. Le neveu de l'architecte de la Révolution, qui prépare un troisième ouvrage sur l'assassinat d'Abane pour la fin de l'année, est revenu longuement sur le parcours de ce dernier ainsi que sur les divergences qui l'opposaient aux membres de la délégation extérieure. Selon le conférencier, la pierre d'achoppement entre Abane et la délégation extérieure “incarnée" par Ahmed Ben Bella était le Congrès de la Soummam. Ce sont ces assises qui ont doté la guerre de Libération nationale d'institutions avec une réorganisation des maquis. Les principes énoncés lors de ce conclave du 20 août 1956 qui a instauré la collégialité dans la direction de la Révolution n'étaient pas pour arranger les affaires de celui qui se voulait chef incontesté de la délégation extérieure. D'autant plus que Lamine Debaghine venait d'être désigné à ce poste à l'issue des travaux du congrès. La primauté du politique sur le militaire et la primauté de l'intérieur sur l'extérieur ont provoqué un schisme dans les rangs de la Révolution. Pourtant, Abane avait pris le soin d'avoir l'avis des signataires de l'appel du 1er Novembre qui comprenait ces deux clauses. L'orateur expliquera qu'Abane Ramdane avait dépêché, en mars 1955, Yacef Saâdi en Suisse pour rencontrer Mohamed Boudiaf. Abane voulait recueillir l'avis de Boudiaf sur la pertinence de maintenir ces deux principes. “Boudiaf était d'accord", dira le conférencier. Le reproche fait par Abane à Ben Bella est que ce dernier n'avait pas rempli sa mission d'approvisionnement des maquis en armements, selon l'orateur qui a évoqué aussi les reproches faits à Abane par Ben Bella. Ainsi, le dernier chef de l'OS avait reproché à l'artisan du Congrès de la Soummam d'avoir instauré la collégialité dans la direction de la Révolution et d'avoir surtout impliqué les autres forces politiques et sociales, pourtant réticentes au déclenchement de la guerre de Libération nationale. “Lorsque j'ai rencontré Ben Bella, ce dernier m'avait affirmé qu'Abane avait ‘turbanisé' la Révolution, allusion à l'association du mouvement des Ulémas dans le train de la Révolution", rappellera-t-il, avant de revenir sur les deux visions diamétralement opposées qu'avaient les deux chefs de la Révolution sur l'Algérie, une fois l'indépendance acquise. Lors des débats, le conférencier a informé de la sortie prochaine d'un livre qui retrace la crise post-Congrès de la Soummam avec la fuite du CCE à Tunis, la mise à l'écart d'Abane et puis son assassinat. Y. A. Nom Adresse email