C'est l'archétype du play-boy carioca (habitant de Rio de Janeiro). Avec son corps d'athlète, son look urbain décontracté et ses cheveux blonds, il semble aussi irréel que les héros des « novelas » diffusées à une heure de grande écoute. À 21 ans, Thor de Oliveria Fhurken Batista, est comme tous les garçons de sa génération, il possède des comptes Twitter et Facebook, fait du sport, prend des vitamines, aime la vitesse et profite des nuits agitées de la cité merveilleuse. Il pourrait aisément se fondre dans l'anonymat de la jeunesse dorée brésilienne s'il n'était le fils d'Eike Batista, l'un des hommes les plus puissants du Brésil, 7e fortune mondiale, estimée à 30 milliards de dollars. Contrairement à son frère cadet, Thor montre très tôt son intérêt pour les affaires. Dès l'adolescence, il participe aux réunions des entreprises familiales, et va, selon son père, jusqu'à faire fructifier l'argent qui lui est confié. L'héritier est aussi un bon client des magazines en papier glacé où il apparait tout sourire aux bras de conquêtes qui louent sa bonne éducation. Toutes les conditions sont réunies pour faire de Thor le successeur d'Eike. Il est peut-être trop tôt pour écrire sa légende. C'est à Duque de Caxias, dans la localité de Rio, que son destin basculera. Le 17 mars 2012, en fin de journée, l'assistant de chauffeur routier, Wanderson Pereira dos Santos, 30 ans, finit son service et enfourche son vélo pour prendre le chemin de la maison. Au même moment, Thor roule sur l'autoroute en compagnie d'un ami dans sa Mercedes-Benz SLR McLaren. Un bolide d'environ un million d'euros. Soudain, le choc. Le corps totalement désarticulé de Wanderson touche le sol après avoir heurté le pare-brise de la voiture de sport. La victime meurt sur le coup. À partir de cet instant, deux versions s'opposeront sur les circonstances de l'accident. Le père de l'accusé mettra en cause l'imprudence du cycliste, qui aurait traversé une autoroute mal éclairée. Selon l'expertise, la vitesse du véhicule était située entre 100 et 115 km sur une route limitée à 110 km. Le test d'alcoolémie du conducteur et du passager était négatif. En revanche, l'examen toxicologique de la victime indiquait une présence de 15,5 dg/L (décigramme par litre) d'alcool dans le sang. La famille de la victime accusera Thor d'avoir roulé à vive allure et braqué brusquement pour éviter un autre véhiculer avant de toucher frontalement le cycliste qui était sur l'accotement. Celui-ci n'avait aucune raison de traverser l'autoroute puisqu'il habitait du côté où il circulait. De plus, Thor avait déjà commis de nombreuses infractions pour excès de vitesse. Pour ajouter à la confusion, les témoignages des personnes présentes lors de l'accident seront contradictoires. Tous les ingrédients sont présents pour transformer un fait-divers en symbole de lutte des classes. Dans un pays profondément inégalitaire, la justice est souvent accusée d'être inique quand il s'agit de pauvres. Or, pour certains cela ne veut pas dire que les plus riches sont systématiquement coupables. Dans ce dossier très clivant, les avis varient souvent en fonction de l'origine sociale ou de sa sensibilité politique. Prendre position en faveur de l'accusé en soulignant l'imprudence de la victime, c'est défendre une justice de classe. Défendre la famille de la victime, c'est faire du populisme. Le mercredi 5 juin 2013, Thor Batista, a été condamné pour homicide involontaire, à des travaux d'intérêt général pour deux ans, à une suspension de permis pour la même période, et à une amende d'un million de réais. Un des avocats de la défense, Ary Bergher, qui a fait appel à l'issue du procès, aura cette phrase terrible: « La juge a simplement consacré l'inégalité. Mon client a été puni uniquement parce qu'il est riche. L'article 5 de la Constitution indique que nous sommes tous égaux devant la loi ». Une déclaration qui ne manquera pas de diviser un peu plus les Brésiliens sur le cas du riche héritier. Son père, Eike Batista, qui avait affirmé vouloir être l'homme le plus riche du monde avant 2015, aura sans doute un autre défi à relever. Innocenter son fils. M.C Lire les anciennes chroniques : - La fabrique de la rumeur - Boycottons la vie chère Nom Adresse email