Des candidats au baccalauréat en nombre ont trouvé concevable le fait de tricher collectivement et manifestement dans une matière et espérer, malgré cela, obtenir leur diplôme. Mais pour espérer obtenir le baccalauréat, ces candidats ont dû d'abord être autorisés à poursuivre les épreuves, en dépit de leurs agissements. Des chefs de centre et des surveillants les y ont donc autorisés. C'est peut-être cela qui a fait que les recalés pour triche ont manifesté leur "surprise" devant un échec qui devenait injustifié parce que l'administration a commencé par minimiser la gravité des faits avant de sévir dans l'étape des corrections. En espérant que tout a été fait pour que les sanctions correspondent bien aux cas réels de fraude, fermer les yeux sur ces évènements et les passer sans réagir auraient constitué un dangereux précédent. Et celui-ci aurait affecté durablement ce qui restait de crédibilité aux diplômes nationaux. Il est, cependant, significatif que l'on ait pu en arriver là : des candidats au diplôme sacré du bac qui quittent les salles d'examen pour manifester collectivement devant "la difficulté" des sujets, qui ne les réintègrent qu'après des démarches conciliantes de la part des surveillants, directeurs de centre et, parfois, de membres de... la Protection civile. Avec l'avènement de telles situations, il n'est plus possible de faire semblant de ne pas le constater : le délitement de l'institution scolaire a atteint son comble. C'est vrai que, depuis des années maintenant, le système politique a fait œuvre de pédagogie et a fini par convertir, compartiment après compartiment, l'ensemble de la société aux vertus de la fraude et la légitimité du bien mal acquis. Mais l'Ecole se devait de se maintenir hors de portée des effets corrupteurs de mœurs politiques malsaines. C'est peut-être même sa vocation : rester une franchise éthique, parce que, dans le naufrage, on doit quand même penser à sauver les enfants. Il ne semble pas en être ainsi. Il faut une certaine dose de démotivation professionnelle pour que des enseignants, des éducateurs, puissent supporter de voir leurs élèves, même en partie, après une douzaine d'années d'école, miser sur la tricherie pour réussir. Et, pire, manifester publiquement pour revendiquer les fruits escomptés de leurs malversations. Avec le soutien de leurs parents ! Ni les élèves ni leurs parents ne s'attendaient donc à voir ces écarts sanctionnés. Ce qui correspond effectivement à la ligne de conduite officielle : concession matérielle contre paix civile. Si l'on peut céder la gestion commerciale de la voie publique à des jeunes pour qu'ils se tiennent tranquilles, s'il l'on peut les dispenser du dernier "pour cent" de taux d'intérêt, pourquoi n'arriveraient-ils pas à penser que l'Etat ne devrait pas être trop regardant sur la manière dont ils décrocheraient leur baccalauréat. Et puis, nous dira-t-on, pourquoi serait-il plus scandaleux d'être bachelier par la fraude que d'être député par le même procédé ? Peut-être, est-il trop tard pour espérer convertir le régime politique et ses responsables à "l'exemplarité". Et pour sauver les larges pans de la société atteints par le syndrome de dissolution éthique. Mais, dans le scandale du bac, il y a plus de leçons pour les responsables de l'Ecole que pour leurs élèves. M. H. [email protected] Nom Adresse email