Chacun se fera sa propre idée : sont-ce les répercussions de l'école Benbouzid ou bien a-t-on réussi à faire pire que Benbouzid ? Des candidats au baccalauréat sont sortis des salles d'examen, ont manifesté, téléphoné, parfois menacé et sont retournés plancher sur leurs épreuves, après plus d'un quart d'heure d'absence. Dans beaucoup de centres, des scènes de rébellion et de saccage ont été observés et des couteaux ont été exhibés ! Par endroits, des candidats ont imposé une tricherie généralisée. Il est loin le temps où les candidats n'avaient pas le droit d'aller aux WC avant la fin de la première heure d'épreuve... et où, même après, ne s'y rendaient qu'accompagnés d'un surveillant ! Inutile, en fait, de tenter de reproduire ces scènes à peine concevables aux yeux de ceux qui prêtent encore quelque considération à ce diplôme, qui sert de frontière entre la partie de la population jugée apte à intégrer le monde de l'université et à prétendre à entreprendre des études approfondies et celle jugée inapte à aller plus loin dans la connaissance. On savait que le baccalauréat avait beaucoup perdu de ce qu'il représentait au plan du savoir, mais là, il vient de renoncer aux derniers apparats qui entretenaient le mythe du "sésame". Maintenant qu'on peut l'obtenir en s'armant d'un téléphone mobile et d'un canif, plutôt que d'une équerre et d'un compas, il renvoie à un autre profil que celui du "bûcheur". Les professeurs et surveillants concernés par les incidents ont promis de "faire des rapports" à la tutelle, ou à l'Onec. Drôle de manière de se décharger de sa responsabilité : faire un compte rendu à la manière d'un article de presse ? Pour sanctionner des candidats finalement autorisés — que dis-je ? "priés" — de se remettre au travail ? Le drame est moins dans le fait que les élèves se mettent à arracher, par l'insurrection, le droit à la triche, que dans ce pathétique effort de composition du corps enseignant et de l'administration avec une génération d'élèves auxquels ils n'auront pas inculqué la culture de l'effort et auxquels ils auront fini par imposer, à travers l'école même, la culture du rapport de force instillée par un système politique manipulateur. À force de ne réagir qu'à la subversion anarchique, pour mieux réprimer les propositions organisées, le système a progressivement converti une large partie de la jeunesse, parfois dès l'enfance, à la revendication turbulente. "Tu veux me donner des crédits pour me taire ? J'exige le taux de zéro pour cent !"... "Et si tu veux dévaluer le bac pour le donner au plus grand nombre, on veut des sujets qui nous assurent la réussite"... Une mère de candidate se serait même indignée du fait que la rumeur n'ait pas donné le bon sujet, et que cela ait induit sa fille en erreur ! L'Etat a donné l'exemple en inventant un "niveau universitaire" à un président de Chambre parlementaire qui n'avait pourtant pas fait d'études. Après tout, quand on peut sereinement pourvoir les Assemblées par la fraude, pourquoi serait-on écœurés de voir l'université peuplée par la triche ? Et, après cette indescriptible humiliation du diplôme national, un directeur de l'éducation a osé à cette sentence surréaliste : "La situation est maîtrisée." ! M. H. [email protected] Nom Adresse email