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Kurdistan : La bombe du fédéralisme
Chroniques Irakiennes
Publié dans Liberté le 16 - 02 - 2004

À la faveur de la nouvelle donne irakienne, les Kurdes entendent imposer leur autonomie dans un Irak fédéral. Le projet suscite l’indignation des autres communautés. Une autre bombe à retardement dans la région, comme en témoignent les sanglants attentats d’Erbil qui ont fait plus de 50 morts.
Nous sommes arrivés à Kirkouk le 5 janvier 2004. Une énorme main en marbre noir tenant dans sa paume ouverte une torchère a été érigée au milieu d’un grand boulevard pour indiquer la vocation pétrolière de cette ville située à 275 kilomètres au nord de Bagdad. Aux abords de Kirkouk, la route était ponctuée de gros blocs de béton, ainsi que des herses et autres fils barbelés. Devant des guérites, des miliciens Peshmergas filtraient les automobilistes. Au dernier barrage avant d’entrer dans la ville, un imposant dispositif de sécurité s’annonce. Les soldats US ne laissaient aucune véhicule passer sans être minutieusement fouillé. Nous ne ferons pas exception. Un soldat américain superbement harnaché, un M16 bien mis en évidence, braque sur nous sa torche électrique avant de sommer le conducteur de la voiture de serrer à droite. Nous sommes invités à descendre, les mains en l’air, la face tournée vers le bas côté de la route. Un supplétif irakien nous fouille, tandis qu’un autre soldat américain passe au crible le coffre du taxi ainsi que nos bagages.
Une fois arrivés à bon port, quelle ne fut notre surprise de trouver la ville plongée dans le noir et comme en état de siège. Un couvre-feu y était instauré à partir de 23 heures. Pourtant, il était à peine 19 heures et déjà pas un chat dehors. Les rues de Kirkouk étaient vides et froides. “C’est à cause des derniers évènements. Vous ne devriez pas traîner ainsi. Allez vous abriter dans le premier hôtel que vous trouverez�, nous conseille un chauffeur de taxi. De fait, quelques jours auparavant, la ville avait connu des affrontements communautaires entre Arabes et Turkmènes d’un côté, et Kurdes de l’autre. Dans la journée du 31 décembre 2003, apprendrons-nous, une marche pacifique avait été organisée par des formations politiques arabes et turkmènes ainsi que des chefs de tribu en brandissant le slogan : “Kirkouk restera irakienne pour l’éternité.�
Par cette manifestation, les deux communautés entendaient exprimer leur totale opposition au projet de création d’un État kurde autonome dans le nord de l’Irak, et dont Kirkouk ferait partie, conformément à un système fédéral qui serait en voie d’être mis en place par les Américains en Irak. Les manifestants se sont dirigés vers le siège des forces spéciales kurdes, sur quoi les milices Peshmergas ont ouvert le feu sur les manifestants, faisant plusieurs morts.
Rupture des équilibres ethniques
Depuis la chute du régime de Saddam Hussein et l’éclatement du ciment baâthiste qui maintenait une cohabitation artificielle entre les différentes communautés en Irak, Kirkouk vit une grave crise “identitaire� à la suite de la rupture des équilibres communautaires entre les différents groupes ethniques qui la composent. Rupture qui a dégénéré en un début de guerre civile, comme en témoignent les affrontements de cette journée du 31 décembre 2003, une journée censée être dédiée à la paix et la fête, et où tous les cœurs prient à l’unisson pour accueillir le nouvel an sous de bons augures.
Cet incident renseigne à lui seul sur la complexité de l’échiquier ethnique et confessionnel irakien, et sur les dangers du communautarisme qui guette l’Irak. L’élaboration d’une constitution qui satisfasse toutes les parties s’annonce d’ores et déjà comme une épreuve de force et une grande gageure. Déjà , les chiites rejettent en bloc la revendication kurde d’un État fédéral en Irak, avec autonomie pour les Kurdes, considérant cela comme une menace pour l’intégrité territoriale du pays. Même son de cloche côté turkmènes qui sont la troisième plus importante communauté en Irak (lire l’entretien avec un leader turkmène sur la question dans notre prochaine édition). De leur côté, les Kurdes considèrent que c’est déjà une grande concession d’avoir abandonné leur vieux rêve d’un État indépendant pour leur peuple. De plus, ils avertissent les chiites contre toute velléité de création d’une république islamique en Irak. D’où justement leur insistance sur la formule fédérale qui, d’après eux, est la seule qui pourrait convenir à une société aussi complexe que la société irakienne.
Le rêve indépendantiste confisqué
“Nous nous battons depuis 1920 pour nos droits. Nous avons cumulé sans doute plus de martyrs que vous. Nous sommes presque 40 millions d’âmes dispersées entre les quatre pays de la région, et nous n’avons toujours pas arraché notre indépendance. Tout ce que nous avons acquis, c’est un gouvernement autonome caricatural qui n’a aucun pouvoir�, dit Farid, sur un ton mélancolique. Farid est un militant du plus vieux parti kurde (et le doyen des formations politiques du Kurdistan irakien) : le PDK : le Parti démocratique du Kurdistan. Nous l’avons rencontré à Maçif Salah-Eddine, une charmante petite ville montagnarde, près d’Erbil (350 kilomètres au nord de Bagdad), et qui fut le fief de la résistance kurde, dirigée par Mostafa Barzani et, après lui, son fils, Massoud Barzani. C’est dans cette petite ville, d’ailleurs, que se trouvent, aujourd’hui encore, le quartier général et le bureau politique du PDK, tandis qu’à Erbil se trouve le siège du gouvernement autonome tendance PDK, ainsi que le Parlement kurde. La plupart des Kurdes avec lesquels nous avons discuté, que ce soit à Kirkouk, à Erbil, à Souleïmaniya ou à Halabja, nous ont confié que c’est la mort dans l’âme qu’ils ont renoncé au rêve d’un État kurde. Comme le dit ce jeune de 29 ans, Karim Rachid, traducteur de son état : “C’est par dépit que nous avons renoncé à l’État kurde indépendant. Nous demandons néanmoins l’autonomie du Kurdistan dans le cadre d’un Irak fédéral. C’est la moindre des choses, après le lourd tribut que nous avons payé pour notre liberté.� Si la formule fédérale est catégoriquement rejetée par les autres communautés au regard des velléités séparatistes qu’elle véhicule, la plupart des Kurdes considèrent, en effet, que c’est le “smig� que ce peuple mérite après tant d’années de sacrifices. “En Algérie, les Amazighs ont beaucoup souffert avant de voir leur culture reconnue. Vous êtes sans doute bien placés pour nous comprendre�, nous disent-ils. Car les Kurdes d’Irak ont suivi de près les évènements de Kabylie et nous ont surpris par leur parfaite connaissance de ce qui se passe en Algérie. Abdessalam, un cadre du PDK chargé des relations publiques, nous lance cette boutade : “C’est en Algérie que les pays de la région se sont ligués contre les Kurdes. Boumediène n’était certainement pas un Amazigh !� (sic).
Rafik Chirzade est réceptionniste dans un charmant hôtel touristique de la ville de Maçif, près d’Erbil. Dans le hall de l’hôtel, des portraits de Massoud Barzani, le héros de la résistance kurde. Ici, on est à majorité PDK. Chirzade est, lui aussi, peiné de voir le rêve kurde voler en éclats. Il reconnaît, toutefois, que les Kurdes vivent beaucoup mieux que leurs compatriotes des autres provinces irakiennes : “Depuis que les Américains ont imposé à Saddam l’autonomie du Kurdistan, nous sommes beaucoup mieux que les autres régions d’Irak. Voilà 12 ans que nous vivons en paix, alors, nous avons pu, un tant soit peu, développer notre région�, dit-il. La prospérité des villes kurdes tranche radicalement avec le reste de l’Irak, notamment le sud chiite, plongé dans une grande misère. Ici, on se croirait volontiers en Europe ou en Turquie. Les boulevards sont bien entretenus, les maisons sont clean (avec un petit air de Kabylie), les magasins sont chics, et, fait époustouflant : nous n’avons rencontré aucun mendiant dans la rue.
Même les mioches kurdes sont différents des autres. Ils sont fiers et travailleurs. Nous avons laissé à un tout jeune vendeur un pourboire, il l’a refusé. Comme quoi, les peuples opprimés se ressemblent étonnamment : ils ont tous une fibre d’orgueil en plus. Aujourd’hui, les Kurdes n’aspirent plus qu’à voir un État démocratique et libre s’élever dans tout l’Irak, et voir le drapeau vert, blanc et rouge, avec un soleil au milieu – les couleurs de l’emblème kurde – flotter à Bagdad, ce qui, jusqu’à il y a quelques mois seulement, était inconcevable. “Nous avons vécu sous un triple embargo : du côté des Américains, du côté des Turcs qui nous persécutent derrière, et du côté de Saddam qui nous a confinés dans notre territoire, nous interdisant formellement l’accès aux autres villes d’Irak�, dit Chirzade.
Retour en force des expropriés
À Kirkouk, Saddam a fait déporter des milliers de Kurdes pour mettre des Arabes à leur place, créant ainsi un déséquilibre démographique en faveur de ses sbires. “Il y a eu 25 000 familles déportées par Saddam, et il a ramené des milliers d’Arabes à leur place. Il a exproprié les Kurdes par la force et donné leurs terres et leurs maisons aux parvenus�, témoigne Abdessalam, le cadre du PDK. Les familles kurdes, pour fuir les exactions du régime, allaient chercher refuge dans les villes autonomes du Nord, notamment Erbil et Souleïmaniya. En voulant récupérer leurs biens, ces familles ont buté à des problèmes insurmontables. “Des milliers de familles sont revenues à Kirkouk et n’ont pas trouvé où loger. On leur a aménagé des abris dans le stade de Kirkouk en attendant de trouver une solution�, dit Abdessalam.
Les Turkmènes et les Arabes ont une autre version. Ils affirment que les Kurdes, forts de l’appui des Américains, règnent en maîtres sur Kirkouk et veulent l’annexer par la force au Kurdistan irakien en raison surtout de ses ressources énergétiques estimées à 10 milliards de barils de pétrole. Khalil Imam, un citoyen turkmène, est responsable de l’éducation à Kirkouk et directeur de l’enseignement turkmène. Son témoignage est assez édifiant : “Le chômage atteint des proportions effarantes à Kirkouk. Il est de l’ordre de 60% parmi la population turkmène. Les Kurdes viennent en force du nord et raflent tous les postes, avec la complicité des Américains. Les gens licenciés n’ont pas été réintégrés, et il n’y a pas de nouveaux postes. Les seuls recrutés sont les Kurdes. Pour ne citer que le secteur de l’éducation où j’exerce, il y a environ 700 nouveaux arrivés à Kirkouk, entre instituteurs, administrateurs, fonctionnaires divers, venus du nord. Tous des Kurdes. Nos propres enseignants sont au chômage, alors que les Kurdes ont squatté tous les postes�, affirme-t-il. Avant d’asséner : “Que les Kurdes venus du Nord retournent chez eux !�
À signaler que l’administrateur général pour l’Irak, Paul Bremer, qui a eu des discussions avec les représentants des différentes communautés et formations politiques, a déclaré que le statut de Kirkouk ne sera tranché qu’en 2005.
M. B.
Demain
Entretien avec le Dr Sobhi Saber, un responsable politique turkmène à Kirkouk.


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