Disposant d'atouts compétitifs exceptionnels et en exploitant judicieusement la conjoncture économique mondiale, l'Algérie a la capacité de créer des champions de taille mondiale dans le secteur de la pétrochimie. Deux exemples - la filière propylène/polypropylène et la fabrication d'engrais - démontrent la faisabilité de ces initiatives industrielles. Aujourd'hui, l'Algérie est l'un des rares pays pétroliers à ne pas avoir développé son industrie pétrochimique. Une anomalie industrielle que rien n'explique. Alors que l'Arabie Saoudite, pour ne prendre que cet exemple, a largement investi ce secteur avec notamment la création de la Sabic, aujourd'hui un des géants mondiaux de la pétrochimie, l'Algérie s'est contentée jusque-là d'initiatives timides avec les unités industrielles de taille relativement modeste de Sonatrach. Il se trouve que la pétrochimie et les industries connexes, comme les engrais, représentent une chance exceptionnelle pour notre pays de se hisser rapidement parmi les grands producteurs mondiaux. En effet, l'Algérie dispose d'avantages concurrentiels décisifs dans ce type d'industries : disponibilité de matières premières (hydrocarbures et phosphates), faible coût de l'énergie, proximité des grands marchés mondiaux (en particulier l'Europe), demande locale importante. En outre, investir aujourd'hui dans ce type d'industries procurerait à l'Algérie un atout supplémentaire consistant : en raison de la crise économique, les producteurs des pays développés ont tendance à différer le renouvellement de leurs installations, souvent anciennes. Cette situation constitue une fenêtre d'opportunité qui lui permet de venir sur le marché mondial avec des installations utilisant les technologies les plus récentes et avec des tailles plus importantes. L'Algérie pourrait ainsi se tailler des parts de marché substantielles et assurer une compétitive élevée dans ces industries. Ces dernières années, un projet majeur pour le lancement de la filière propylène/polypropylène a été maturé par un industriel privé algérien. Il s'agit de partir du propane, comme matière première, pour fabriquer les produits de base pour l'industrie plastique (propylène et polypropylène). Ce type de transformation procure une haute valeur ajoutée, puisque une tonne de propane transformée en produits plastiques est vendue à plusieurs milliers de dollars ; alors que la même tonne de propane exportée en l'état ne rapporte que 330 dollars environ à Sonatrach ! De plus, la filière propylène/polypropylène peut servir de "locomotive" à tout un secteur de PMI dans la transformation du plastique, pouvant générer à moyen terme plus de 100 000 emplois durables. La filière des engrais est un autre exemple d'opportunité pour exploiter les atouts compétitifs de l'Algérie. Il se trouve que l'Algérie présente la singularité, heureuse, de pouvoir disposer en même temps des deux ingrédients de base pour la fabrication d'engrais : gaz naturel et phosphates. Notre voisin, le Maroc, qui exploite l'un des plus grands gisements au monde de phosphates, n'a pas cet avantage. Malgré ce handicap, l'OCP (Office chérifien des phosphates) investit aujourd'hui massivement dans la production d'engrais. Il y a quelques années, le ministère de l'Industrie a fait faire par un grand cabinet international une étude de la filière engrais en Algérie. Ses conclusions sont catégoriques : l'Algérie a tous les atouts pour devenir un champion international de l'industrie des engrais phosphatés, azotés et complexes. À cet effet, le cabinet a élaboré une stratégie détaillée pour la création d'un groupe industriel capable de se positionner d'ici dix ans parmi les 20 plus grands producteurs mondiaux d'engrais. Ces deux projets, le complexe propylène/polypropylène et la mise en place d'un grand groupe industriel dans les engrais, n'ont malheureusement pas pu être lancés. Le premier n'arrive toujours pas à franchir les chausse-trappes de l'administration ; et le second dort toujours dans les tiroirs du ministère de l'Industrie. Autant de chances ratées pour la diversification de notre économie ! En raison de la croissance de la consommation locale, une controverse a surgi ces derniers temps sur l'opportunité d'utiliser notre gaz naturel dans la pétrochimie. Même dans l'hypothèse la plus pessimiste où les exportations de gaz viendraient à tarir à l'horizon 2030, il est nettement plus avantageux d'en transformer la plus grande part pour créer le plus vite possible une industrie capable de générer de la valeur ajoutée, tout en créant de l'emploi. Et ce ne sont pas les récents projets lancés en partenariat par Sonatrach pour la fabrication d'urée à Arzew (l'un avec l'égyptien Orascom, l'autre avec l'omanais Suhail Bahwan) qui vont dans cette direction ; car ils s'arrêtent aux premières étapes de la chaîne de valeur de la fabrication d'engrais, n'ont aucune influence sur le tissu industriel environnant et créent très peu d'emplois par eux-mêmes. S. S. Nom Adresse email