Malgré un fort potentiel, la grande distribution reste une filière faiblement explorée par les investisseurs algériens et étrangers. Pourtant deux puissants facteurs favorables auraient dû faire bouger les lignes. D'abord une demande sociale en progression solvable, portée par une extension des couches moyennes à la recherche de produits dont le couple prix/qualité soit optimisé. Ensuite un impératif économique d'organisation des marchés dont le moins que l'on puisse dire est qu'ils sont, pour la plupart, sources de gaspillages et de captages de rentes donc de surcoûts dans les transactions. Le bilan de la filière est vite fait : trois opérateurs et quatre enseignes seulement (Cevital-Numidis, Uno-Arcofina-Ardis, SCC Bab Ezzouar). Alors pourquoi ce retard et comment le résorber rapidement ? Les professionnels de la filière et les observateurs avancent généralement quatre contraintes majeures qui freinent le développement de cette filière : les coûts élevés du foncier et de l'immobilier, l'inexistence en amont de marchés de gros et de centrales d'achat, la trop grande place du marché informel dans les circuits de distribution et enfin, ce que certains investisseurs étrangers appellent la "rigidité de la législation des changes". Je commencerai par l'analyse de cette dernière contrainte. En fait cette "rigidité" concerne plus les conditions de rémunération du franchiseur étranger que les conditions générales du régime des importations. Sinon on voit mal comment auraient pu se réaliser des opérations d'importation portant annuellement sur plus de 50 milliards de dollars. À l'inverse, j'ai pu observer pour ma part, en tant que consommateur cette fois-ci, que certains produits textiles franchisés distribués en Algérie, de moindre qualité, sont payés plus cher qu'en Europe. Pourtant ils proviennent assez souvent de stocks morts non écoulés sur les marchés européens. Pour le reste, les disposions du régime des changes me semblent claires. Enfin cela sera une incitation supplémentaire à s'approvisionner localement. Il faudra donc faire avec. Deuxième contrainte plus largement partagée : le foncier et l'immobilier. C'est un problème plus général qui concerne tous les types d'investissement (industriels, d'habitat et de services). L'asymétrie entre l'offre et la demande foncière et immobilière maintient une bulle spéculative notamment dans les grands centres de consommation ou à leur proximité. Les politiques publiques en la matière n'ont pas encore produit d'effets perceptibles par les investisseurs. Je suggère pour ma part, que la politique en matière d'augmentation de l'offre foncière industrielle (création de plusieurs dizaines zones industrielles à travers les territoires) soit élargie aux services en général et à la grande distribution en particulier. Dans le même registre, le régime assoupli de concession foncière proposé par les pouvoirs publics m'apparaît particulièrement compatible avec ce type d‘activités. Troisième contrainte : l'inexistence de marchés de gros et de centrales d'achat. Je regrette d'abord l'échec de l'entrée sur ce segment amont de leaders mondiaux qui auraient pu servir de marqueurs d'efficacité pour la concurrence. Je pense notamment au leader européen qui a tenté, sans succès à ma connaissance, de faire l'exercice. Il s'agit de l'allemand Metro. De plus, le programme de construction de marchés de gros de fruits et légumes et d'abattoirs est en retard alors que les productions agricoles et ovines s'améliorent en quantité et en qualité. Des rentes indues sont encore prélevées le long des filières de distribution augmentant ainsi l'inflation. Un suivi spécifique de ces projets devra être effectué pour en garantir la rapidité et une qualité répondant aux normes internationales.Cela deviendrait alors un incitatif pour le développement de la filière de la grande distribution. Dernière contrainte : le poids de l'informel. Des opérations importantes ont été initiées depuis août 2012 par les pouvoirs publics pour réduire la sphère commerciale informelle dans un contexte social relativement tendu. Le bilan donné, à fin octobre 2013, par Abdelaziz Aït Abderrahmane, directeur général de la régulation au ministère du Commerce témoigne de progrès réels en la matière. Il nous précise que "833 marchés informels ont été éradiqués sur les 1368 existants et 17 557 sur les 40 000 intervenants ont été redéployés dans de nouveaux marchés de proximité". Ces progrès, pour utiles qu'ils soient, laissent encore pendante la question des transactions commerciales sans factures que le ministre du Commerce avait estimé s'élever à plus d'un milliard d'euros en 2011. En conclusion, l'un dans l'autre, les conditions de développement de la grande distribution se mettent progressivement en place. Pas assez vite pour certains investisseurs. Mais dans le business, tout le monde convient qu'il faut saisir les opportunités avant la concurrence et faire des anticipations sur des marchés émergents. C'est même la clé du succès car le risque zéro n'existe nulle part. Vous aussi vous le savez. M. M. Nom Adresse email