Doha a fini par sortir de son silence pour contester violemment le label terroriste donné aux Frères musulmans par les autorités intérimaires égyptiennes installées par l'armée en juillet 2013. L'Egypte a immédiatement réagi en dénonçant une ingérence de la part du richissime émirat du Golfe. Le ministère qatari des Affaires étrangères, dirigé par un proche de l'émir, avait estimé que la décision de désigner des "mouvements politiques populaires" en tant qu'organisations terroristes et de qualifier des "manifestations pacifiques" de terrorisme n'a pas permis de mettre fin aux rassemblements pacifiques. Et pour être plus explicite, le ministère a également précisé que la réaction du gouvernement égyptien a été le prélude d'une politique autorisant "à tirer pour tuer sur les manifestants", tout en jugeant qu'un dialogue entre toutes les parties est la seule solution à la crise en Egypte. Cette déclaration, la première du genre sur les affaires dans sa région et le monde arabe depuis que le nouvel émir a fait démissionner son père pour occuper son fauteuil, marque-t-elle le retour sur la scène internationale de ce pays ? En effet, depuis, Doha s'était comme recroquevillé sur lui-même alors qu'avec le père du nouvel émir, la place forte financière du Golf était sur tous les fronts de la contre-révolution dans le monde arabe, jusqu'à faire spolier les "printemps arabes" par les islamistes notamment en Tunisie et en Egypte. En outre, l'émirat a financé donc propulsé l'islamisme radical et son avatar le djihadisme en Afrique sub-saharienne. Le Qatar était l'un des principaux soutiens du président égyptien Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, jusqu'à son renversement par l'armée le 3 juillet dernier. Les relations entre les deux pays se sont détériorées depuis cette intervention de l'armée contre le président islamiste que les Qataris pensaient promouvoir comme exemple aux républiques arabes, et faire barrage au modèle turc initié par Erdogan et son parti l'AKP, islamiste mais plus fréquentable que les Frères musulmans. Le Qatar, avec la Turquie, sont les deux seuls pays dans le monde à avoir condamné le coup d'état militaire contre Mohamed Morsi. Et le Qatar, via sa chaîne de télévision Al-Jazzera, n'a pas arrêté de mener campagne en faveur des Frères musulmans. Les partisans de la confrérie islamiste manifestent régulièrement en Egypte contre le nouveau pouvoir mis en place par l'armée. Vendredi, 17 personnes sont mortes dans des affrontements entre manifestants et forces de l'ordre à travers le pays. Après la déclaration du Qatar, son ambassadeur en Egypte a été convoqué au ministère égyptien des Affaires étrangères pour se voir réaffirmer que l'Egypte ne permettra à aucune partie extérieure de s'immiscer dans ses affaires intérieures sous quelque nom ou quelque prétexte que ce soit. Le ministre égyptien des AE en a profité pour mettre en garde tout pays tentant une ingérence en Egypte qui devra porter la responsabilité des conséquences. Le général al-Sissi qui avait anticipé la réaction qatarie avait restitué il y a peu le milliard et demi que l'émir avait mis à sa disposition pour éviter la banqueroute financière. L'homme fort de l'Egypte sait qu'il peut compter sur l'Arabie Saoudite et le Koweït, lesquels, contrairement à l'émirat du Qatar, ont les Frères musulmans en point de mire. Ryad booste le wahhabisme, une variante extrême de l'islamisme qui jure ne pas verser dans la violence, se développement par la dawa. La ligne entre les uns et les autres n'est pas si évidente pour ceux qui comme chez nous furent victimes du terrorisme islamiste. D. B Nom Adresse email