Le secret jalousement gardé par Bouteflika sur ses intentions a plombé une présidentielle qu'on présentait comme décisive pour le pays. Quelle topographie peut-on faire du paysage électoral à un trimestre à peine du grand rendez-vous ? Sans relief jusqu'ici, l'élection présidentielle prévue pour avril prochain va sans doute s'emballer sous peu. La convocation du corps électoral vient d'être annoncée, tout à tour, par le ministre de l'Intérieur, Tayeb Belaïz, d'abord, lundi 6 janvier, à l'occasion de sa virée algéroise, puis par le Premier ministre Abdelmalek Sellal, le lendemain, depuis Mascara. "Le corps électoral sera convoqué pour la présidentielle de 2014 la première quinzaine du mois de janvier courant à travers la publication d'un décret présidentiel", a affirmé M. Belaïz. Cette annonce, en théorie du moins, est de nature à provoquer un grand emballement sur la scène politico-médiatique et à pousser les grosses pointures politiques à s'engager dans l'arène. C'est là, en tout cas, la conviction du ministre de l'Intérieur : "Je pense que la scène politique et les partis réagiront le jour suivant la publication du décret, notamment par l'annonce des déclarations de candidature", a-t-il assuré. Il faut dire qu'on a mis beaucoup de temps pour engager la bataille des présidentielles. Trois mois suffiront-ils aux Algériens pour faire la part des choses et décortiquer les programmes de tous les candidats ? Peu évident. La situation de flou, qui règne encore au sommet, n'est-elle pas entretenue sciemment pour éviter justement tout débat de fond sur la situation du pays et de faire objectivement le bilan de 15 ans de règne ? Vraisemblable. Une chose est sûre, le secret jalousement gardé par l'actuel locataire du Palais d'El-Mouradia sur ses intentions ont sérieusement plombé une présidentielle qu'on présentait pourtant comme décisive pour le pays. Quelle topographie peut-on faire du paysage électoral à un trimestre à peine du grand rendez-vous présidentiel ? Force est de constater que jusqu'ici, ce sont plutôt, à quelques exceptions près, les candidatures plus au moins folkloriques qui tiennent le haut du pavé. Les habitués et les nouveaux venus Très peu soucieux des conditions de la tenue du scrutin et de sa transparence, certains dirigeants de partis sont devenus, par la force des choses, des abonnés de la présidentielle. Le plus emblématique de ce type de candidats est, sans conteste, Ali Zeghdoud, président du Rassemblement algérien. Il était candidat en 2004 comme en 2009 sans avoir jamais réussi à passer le cap de la collecte de 75 000 signatures exigées par la loi. Les présidents d'Ahd 54, Faouzi Rebaïne, et du Front national algérien (FNA), Moussa Touati, peuvent être classés dans la case des habitués des rendez-vous présidentiels même si, politiquement, ils sont à un cran au-dessus. Jamais deux sans trois, Fawzi Rebaïne, après avoir pris part aux élections de 2004 et de 2009, a encore annoncé, le 28 décembre 2013, sa candidature pour la prochaine élection. Fort de son costume de "présidentiable'' enfilé en 2009, Moussa Touati, lui, a acté plus tôt, à la mi-juin 2013 précisément, sa participation à la prochaine présidentielle. Aux côtés de ces "vétérans'' de la présidentielle, de jeunes loups se sont eux aussi engagés dans la bataille dans le but de se donner une stature ou d'enraciner leurs partis dans l'échiquier politique. C'est le cas du président du parti Jil Jadid, Sofiane Djillali, un vétérinaire de formation qui a fait l'essentiel de ses armes au sein du PRA, qui a fait part de sa candidature en septembre 2013. Ambitieux et très présent sur le terrain comme sur les réseaux sociaux, il entend incarner le changement et jouer dans la cour des grands. Autre nouveau prétendant à prendre part aux prochaines joutes électorales, Abdelaziz Belaïd, président du Front El-Moustaqbal, qui a annoncé sa candidature le 20 décembre 2013. Ex-secrétaire général de l'UNJA, M. Belaïd a fait toutes ses classes à l'école du FLN avant de lancer, à la faveur des "réformes de politiques" de 2011, sa propre formation politique. Partisan de Benflis en 2004, le président de Front El-Moustaqbel a décidé, cette fois, de faire cavalier seul. Les atypiques et les expats Sans parti ni ancrage social, l'ancien chef de gouvernement Ahmed Benbitour, en rupture de ban depuis 2000 avec l'actuel chef de l'Etat, s'est jeté dans le bain bien avant tout le monde, début 2013 plus précisément. Général sans troupes, M. Benbitour, plus technocrate que politique, a une foi de charbonnier de pouvoir bousculer l'ordre établi en ne comptant que sur la pertinence de ses propositions, notamment sur le plan économique. Il est presque logé à la même enseigne que l'écrivain et ancien militaire, Yasmina Khadra, qui, sans aucune attache partisane, espère pourtant drainer les Algériens derrière sa candidature annoncée début novembre 2013 au Forum de Liberté, en ne comptant que sur son aura de romancier reconnue de par le monde. Incontestablement, la grande nouveauté, voire la curiosité de la présidentielle d'avril 2014, est la présence de prétendants n'ayant pas de vécu algérien, c'est-à-dire vivant à l'étranger. Le plus en vue d'entre eux est Rachid Nekkaz qui, le 3 juin dernier, à partir de la frontière algéro-marocaine, a pris tout son monde de cours en annonçant sa candidature. Après deux tentatives avortées de se faire élire en France, Nekkaz a décidé donc de faire carrière politique en Algérie en se présentant comme "candidat hors-système, de la jeunesse et du changement pour la présidentielle de 2014". Et pour convaincre de son "algérianité'' pleine et entière, il a renoncé à sa nationalité et à son passeport français. Fort de sa "certitude de pouvoir être utile" pour son pays, Ali Benouari, ancien ministre délégué au Budget, établi depuis une vingtaine d'années en Suisse, a décidé, fort de ses idées libérales, de retourner au bercail, mais dans la peau d'un présidentiable et de... "sauveur''. C'est le cas aussi, à quelques détails près, de Kamel Benkoussa, un enfant d'émigré, économiste de son état, qui, le 30 décembre 2003, a justifié sa candidature pour la présidentielle par son souci de servir l'Algérie, "un pays sous-géré". Son but ? "Travailler à l'émergence d'une nouvelle république", expliquait-il lors d'un récent Forum de Liberté. En dehors de ces prétendants à la candidature, beaucoup d'autres personnalités politiques qu'on a l'habitude de qualifier de "potentiels présidentiables'', très au fait des mœurs et pratiques du système, préfèrent adopter la position de wait and see. Le jeu n'étant pas encore clair et les intentions de l'actuel chef de l'Etat non connues, ils ne veulent en aucun cas afficher leurs ambitions. C'est le cas des anciens chefs de gouvernement Mouloud Hamrouche et Ali Benflis, même si l'annonce de la candidature de ce dernier est donnée pour imminente. Quant aux anciens patrons du FLN et du RND, Abdelaziz Belkhadem et Ahmed Ouyahia, ils sont en embuscade dans l'attente d'un adoubement des sphères décisionnelles qui semblent, pour le moment, leur préférer l'actuel Premier ministre que certains cercles se plaisent à présenter comme le probable "candidat du consensus". Face à ces candidats-maison, d'autres acteurs de l'opposition démocratique comme Saïd Sadi, ou islamistes (Abdallah Djabellah, Abderrezak Mokri, etc.) ne veulent aucunement s'aventurer à lancer leur candidature sans avoir au préalable réuni les conditions d'une élection honnête et transparente dont la gestion doit, à leur yeux, impérativement être retirée au ministère de l'Intérieur et confiée à une commission électorale indépendante. A C Nom Adresse email