"Quand le vin est tiré, il faut le boire", dit le proverbe. Le pouvoir est en train de se donner les moyens d'imposer sa décision de maintenir Bouteflika à la tête de la "République", en dépit de tout. Les décideurs nationaux ont pu, dès son annonce, prendre la mesure de l'impopularité de l'option pour un quatrième mandat et semblent paniquer face à la déception résultant de ce coup de force de plus. Et, devant la déception massivement partagée que cette obstination autoritaire a engendrée, l'Etat semble se préparer à réagir à toute expression de mécontentement. Déjà, par mesure conservatrice, les autorités s'étaient abstenues d'appliquer, pour Alger en particulier, leur propre décision de levée de l'état d'urgence. Le moindre début de manifestation publique est fermement, et parfois brutalement, réprimé, qu'il s'agisse de revendications de syndicalistes, de chômeurs ou même de lycéens. Pas question de prendre le risque de voir des questions sociales évoluer en revendications politiques. Sait-on jamais... Ces tout derniers jours, les syndicalistes autonomes, les rappelés du Service national et les lycéens ont fait les frais de cette montée en puissance répressive. À côté du raidissement sécuritaire, un autre signe qui ne trompe pas : le regain d'agressivité envers les journalistes. Outre le fait que des "élus" et des "responsables" aient pris la fâcheuse habitude de brutaliser des photographes et des reporters, on assiste, à Oran, à une véritable expédition punitive de barbouzes contre un caricaturiste, déjà poursuivi en justice pour un dessin non publié. Le procédé trahit une démarche d'intimidation à l'encontre de toute la profession. Une démarche qui a déjà été observée en d'autres circonstances électorales. Ces faits ne sont, en effet, pas sans rappeler une veille d'élection présidentielle qui, en été 2003, donnait lieu à une innovation procédurale consistant à faire préalablement interroger les journalistes poursuivis pour délit de presse dans les commissariats. La répression de l'expression citoyenne et de la liberté de presse est, comme à l'habitude, accompagnée de largesses administratives pour les catégories revendicatrices. À l'exemple des lycéens, refoulés de la voie publique, mais "récompensés" par la tutelle qui s'engage à ne reconsidérer ni les périodes de vacances ni les dates d'examens. "Les dates des vacances et des examens de fin de cycle sont officiellement maintenues", s'est précipitamment engagé le ministère de l'Education. Bien sûr, les élèves, avertis de la largesse des autorités quand il s'agit du respect des standards pédagogiques et académiques, ne manqueront pas de demander l'amputation du programme examiné d'une partie du programme annuel. Des précédents en matière d'organisation d'examens semblent avoir fait... école. Comme il ne semble plus avoir les moyens d'effacer des dettes ou d'augmenter des rémunérations, le pouvoir serait tenté de procéder par concessions sur des normes règlementaires. Le tout étant de continuer à cultiver la démarche binaire de la carotte et du bâton. C'est à ces indices que l'on voit que le pouvoir est entré en campagne. Par ces procédés, la répression contre les uns, les largesses pour les autres — et parfois les deux pour les mêmes — il compte faire régner l'ordre jusqu'à l'échéance électorale. Et il pourra alors faire régner qui il veut. M. H. [email protected] Nom Adresse email