En mai dernier, le FFS avait rejeté l'invitation du pouvoir au motif que celui-ci mettait "la charrue devant les bœufs". Le chef de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, doit certainement se frotter les mains. Pour cause, la décision du Front des forces socialistes (FFS) et, dans une moindre mesure, celle du Parti des travailleurs (PT) de se joindre aux consultations qu'il mène depuis la mi-mai autour de la révision constitutionnelle est du pain bénit pour lui et surtout pour ceux qui lui ont confié un tel chantier. Réduit jusqu'ici à recevoir des dirigeants politiques qui ne pèsent pas lourd dans la balance, Ouyahia vient de mettre le grappin sur des clients d'un autre calibre à même de servir d'alibi pour une démarche qui n'a pas jusqu'ici emballé grand monde. Cette participation du FFS et du PT aux échanges sur la nouvelle Constitution est d'une grande importance pour les tenants du pouvoir d'autant qu'elle a été annoncée au lendemain du coup d'éclat politico-médiatique de l'opposition qui a réussi le pari de réunir, le 10 juin, à Zéralda, quelque 500 participants à la conférence nationale pour la transition démocratique. Voir la pasionaria du PT accourir à El-Mouradia pour apporter sa pierre au nouvel édifice constitutionnel que veut se donner Bouteflika est loin d'être une surprise. Tout le long de ces 15 dernières années, elle n'a jamais rechigné à apporter un soutien franc, voire inconditionnel, au chef de l'Etat. Mais il en va autrement du "ralliement" du FFS à l'initiative du pouvoir en place, qui pourrait ne pas passer aux yeux de ses militants de base et de l'opinion publique, tellement le parti de Hocine Aït Ahmed a mis un tel acharnement à se tailler l'image de l'opposant pur et dur. Image d'Epinal, rétorqueront certains qui ne manqueront pas de gloser, à tort ou à raison, sur le glissement imprimé par la nouvelle direction du parti à cette ligne radicale longtemps érigée en dogme. En 2011, au plus fort du Printemps arabe, le FFS n'avait pas hésité à prendre ses distances par rapport à l'opposition qui avait alors investi la rue pour amorcer un changement de système. Un "lâchage" qui avait été perçu alors comme un soutien à un pouvoir en difficulté. Une année après, le parti d'Ahmed Betatache n'hésitera pas à venir à la rescousse de Bouteflika en prenant part aux législatives de mai 2012 arguant la "nécessité tactique" à "mettre du mouvement dans le statu quo". De ce point de vue, la participation du FFS aux consultations sur la révision constitutionnelle est un aboutissement logique. L'inconvénient est qu'en mai dernier le premier secrétaire du parti avait balayé d'un revers de la main l'invitation du pouvoir au motif que procéder à une révision de la Constitution avant la construction d'un consensus national revient à "mettre la charrue avant les bœufs". La solution à la crise algérienne passe nécessairement par la mise en œuvre d'un véritable processus de transition démocratique pour la reconstruction d'un consensus national, disait-on alors au FFS. Ainsi, il ira à la conférence de la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratiques (CNLTD) qui, de fait, milite pour une transition démocratique. Ce revirement du FFS intervient après la réponse du Premier ministre à la proposition de l'opposition. "L'Algérie possède des institutions fortes et n'a pas besoin d'une période de transition revendiquée par certains partis et personnalités politiques qui ont refusé de prendre part aux consultations consacrées à la Constitution", avait déclaré M. Sellal. Le FFS réussira-t-il à faire partager ses vues, entre autres celle qui consiste à faire admettre au pouvoir la nécessité d'un "consensus" ? Le président du Mouvement pour la société de la paix (MSP), Abderrezak Makri, est en tout cas sceptique. "La participation ou non du FFS ne changera rien aux consultations", a-t-il confié hier à El Khabar car, a-t-il expliqué, "le pouvoir ne fait qu'écouter les différentes parties pour, au final, n'en faire qu'à sa tête". Comprendre : les tenants du pouvoir n'attendent des partis rien d'autre qu'une participation-alibi pour donner une illusion de consensus à leur démarche. A C Nom Adresse email