Nonobstant le silence strident des belles âmes, promptes à dégainer pour beaucoup moins que le massacre à ciel ouvert de Gaza, le monde entier est au fait de l'impuissance de la communauté internationale, la lâcheté des grandes puissances et, par-dessus tout, l'impunité à toute épreuve assurée aux dirigeants sionistes. Justement, où est passée la justice internationale qui avait su répondre, même tardivement, même maladroitement, aux «événements» du Rwanda et de l'ex-Yougoslavie, en mettant en place des juridictions pénales ad-hoc (TPIR et TPIY). Il ne faut pas y penser pour la Palestine, puisque ces tribunaux relèvent du Conseil de sécurité, neutralisé dans le cas qui nous occupe par le veto des puissances que vous savez. Mais la Cour pénale internationale ? Créée par le Statut de Rome en 1997, avec compétence pour juger les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le crime de génocide, elle est effective depuis juillet 2002, et présente l'immense avantage d'échapper au «système» de l'ONU, c'est-à-dire, aux caprices des grandes puissances. Elle doit son existence aux Etats qui ont ratifié le Statut de Rome et fonctionne indépendamment du Conseil de sécurité, d'où l'hostilité manifestée à son égard par les USA et, bien sûr, Israël, qui comptent parmi les Etats qui rejettent, en toute connaissance de cause, sa compétence. Tant que la Palestine n'était pas considérée comme Etat, elle ne pouvait donc pas ratifier le Statut de Rome, et les dirigeants israéliens pouvaient impunément perpétrer crimes de guerre et crimes contre l'humanité contre le peuple palestinien. Il y a bien eu, à la suite des précédents massacres, le rapport Goldstone, du nom du magistrat sud-africain chargé de l'enquête, qui a conclu à la commission de crimes de guerre, mais il n'a pas eu d'autre portée que morale, abstraction faite de la honteuse contrition de ce magistrat... qui a dû présenter ses plus plates excuses à ses frères de religion pour... s'être "trompé". C'est dire qu'il n'y a rigoureusement rien à attendre de l'enquête qui vient d'être ordonnée par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, tout en relevant la curieuse démarche qui consiste à vouloir établir s'il y a... ou non crimes de guerre quand ces crimes sont commis «en direct» au vu et au su de toute l'humanité, avec les images insupportables d'enfants, de femmes et de civils déchiquetés. Il ne s'agit plus d'enquêter, mais de sanctionner, et seule la CPI peut le faire, à la seule condition qu'elle en soit requise par un Etat membre, quand les crimes ont été commis sur le territoire de cet Etat. Précisément, la Palestine reconnue comme Etat par l'Assemblée générale de l'ONU en novembre 2012, pouvait, à compter de cette reconnaissance, adhérer à tout moment au Statut de Rome et, par voie de conséquence, saisir la CPI sur la barbarie des dirigeants israéliens. Faut-il le relever ? L'opposition forcenée d'Israël (et, bien sûr des USA) au vote sus-visé, était motivée bien moins que par le volet politique qui ne changeait rien à la situation de l'Etat palestinien de par le monde, puisqu'il ne devenait pas pour autant membre à part entière de l'ONU, que par la perspective d'une adhésion à la CPI, rendue juridiquement recevable par ce vote. Le barreau d'Alger, qui a organisé deux manifestations de solidarité avec le peuple palestinien, a envisagé de saisir le procureur de la CPI pour le presser d'ouvrir une information... avant d'apprendre que cette initiative serait vaine parce que l'Etat palestinien n'a pas ratifié à ce jour le Statut de Rome, ce qui exclut ipso facto et ipso jure toute compétence de la CPI pour connaître du drame enduré par le peuple palestinien. L'Algérie est le pays qui a affirmé sa solidarité avec la Palestine, victime ou bourreau. Mais quid quand la Palestine est victime de ses propres carences, c'est-a-dire d'elle-même ? En vérité, cette défaillance est à porter sur les «amicales» pressions que subit la direction palestinienne de la part des USA, mobilisés en permanence pour la protection d'Israël et de ses dirigeants. Autrement dit, il n'est que trop évident que ce n'est pas faute d'avoir pensé à cette ratification que le gouvernement de Mahmoud Abbas n'y a pas procédé. Il a dû s'incliner devant la volonté d'un «partenaire» dont on ne sait que trop l'empressement à servir les intérêts de l'Etat sioniste (Rappelons-nous qu'il a gelé toute contribution à l'Unesco dès qu'elle a ouvert ses portes à la Palestine). A un moment où le peuple palestinien subit dans sa chair une agression d'une rare monstruosité, on a quelques scrupules à relever une imprévoyance d'une telle dimension, mais l'unique but est d'en appeler au gouvernement palestinien pour qu'il ratifie sans plus tarder le Statut de Rome, sans attendre un quelconque cessez-le-feu, car cette ratification, procédure simple et rapide s'il en est, ouvrira immédiatement droit à la saisine de la CPI pour les crimes à venir... dans les prochains jours ou les prochaines années. Pour être complet sur ce douloureux sujet, on notera qu'une plainte a été déposée ces derniers jours devant la CPI par maître Gilles Devers pour crimes de guerre en Palestine (Le Soir d'Algérie du 25 et 26 juillet 2014, page 10). Notre excellent confrère a cru devoir aborder dans sa conférence de presse la question de la compétence de la CPI en soutenant que sa (?) plainte était recevable, même si l'Etat palestinien, reconnu comme tel en novembre 2012, n'a pas encore ratifié le Statut de Rome, motif pris de ce que "le ministre palestinien de la Justice avait fait une déclaration de compétence de la CPI le 21 janvier 2009... qui reste parfaitement valable". Hélas, le problème est que cette déclaration de compétence, pour autant qu'elle équivaille à un instrument de ratification, n'était pas recevable à la date sus-visée, puisqu'elle émanait d'un Etat non reconnu comme tel à cette époque par les Nations unies. Que reste-t-il à nos frères palestiniens ? Il y a bien la compétence universelle que se sont reconnue peu ou prou certaines juridictions nationale, mais l'expérience incite à la circonspection. La justice suisse s'est offert le luxe d'ouvrir une information contre un officier supérieur algérien... sur la base d'un dossier inconsistant. Il est permis de se demander si elle fera preuve du même empressement contre les responsables du massacre de Gaza qui viendraient sillonner la prude Helvétie. Le précédent de Sabra et Chatila laisse sceptique... Le juge Garson, qui avait porté haut l'honneur de l'Espagne, a été renvoyé à ses chères études... en matière de compétence universelle. Quant à la justice belge, elle a pris un départ tonitruant, en condamnant sévèrement trois Rwandais (dont une femme) réfugiés à Bruxelles. Elle a dû revoir sa copie lorsqu'elle s'est trouvée en présence d'une plainte déposée contre le sinistre Ariel Sharon pour, entre autres crimes, ceux de Sabra et Chatila. Que croyez-vous qu'il arriva, s'agissant de crimes (avérés) de guerre, et autres crimes contre l'humanité confinant au génocide ? La justice belge a fini par décliner sa compétence, au motif introuvable que la compétence universelle s'arrête à la porte des Etats démocratiques, censés disposer d'une justice indépendante. Et cela va sans dire, Israël est un Etat démocratique. Malgré une lourde expérience coloniale au Congo (ex) belge, cette justice a feint d'ignorer que la nature d'un régime politique n'a rigoureusement aucun rapport avec ses agissements extérieurs. La France coloniale était une démocratie accomplie pour les Français, ce qui ne l'a pas empêchée de commettre en Algérie les crimes qui sont dans toutes les mémoires. La démocratie américaine restera à jamais la fierté des Anglo-Saxons qui ont débarqué dans le nouveau monde. Il n'empêche que les pères fondateurs de cette démocratie exemplaire ont laissé s'achever le génocide indien, sans parler du sort des esclaves. Israël ? C'est un Etat démocratique pour les juifs, c'est sûr. C'est un Etat juif pour les Palestinien, c'est certain. M. B. 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