Fuites dans le vaisseau Sonatrach Sonatrach se vide-t-elle de son sang dans l'indifférence des pouvoirs publics ? Dans l'anonymat en tout cas, de plus en plus de compétences quittent Sonatrach, rapportent plusieurs sources concordantes. Cette série de départs massifs de cadres a été étamée sous l'ère Khelil, où on a assisté à la perte de ses meilleures compétences à coups de limogeages, de départs en retraite, de démissions collectives. Cette vague se poursuit depuis le scandale Sonatrach 1. Cette grande hémorragie, si elle n'est pas stoppée à temps, risque de freiner le développement de Sonatrach. Déjà, on en ressent les effets avec cet appel de plus en plus grand aux compétences de compagnies étrangères et cette panne en termes de dynamique de développement à l'international. Situation paradoxale : au moment où Sonatrach met en œuvre un programme de développement sans précédent doté de 120 milliards de dollars dont 60% consacrés à l'amont, elle souffre du manque de ressources humaines qualifiées dans les métiers au cœur de son activité : superviseurs forages, géologues, géophysiciens à cause de ce départ massif des spécialistes du forage et de l'exploration vers les compagnies étrangères. On retrouve les ingénieurs et spécialistes de Sonatrach partout : au Moyen-Orient, au Kazakhstan, en mer du Nord, en Australie... Ces cadres pointent du doigt une politique des ressources humaines désastreuse, un système salarial archaïque guère fondé sur la performance et le mérite, une gestion des carrières qui pousse à l'incompétence et à la fuite des cerveaux. En un mot, une gestion des cadres guère digne des grandes compagnies internationales. Autres temps, autres mœurs. On n'est plus dans une logique de développement du plus précieux gisement de la compagnie : le capital humain. Certes, il faut reconnaître que, ces dernières années, un effort important de formation d'ingénieurs et de spécialistes a été mené par Sonatrach. Un véritable coup d'épée dans l'eau si on n'arrive pas à retenir, fidéliser cette ressource humaine, ce sang nouveau injecté dans les veines de la compagnie nationale. Il faut reconnaître également que Sonatrach recèle toujours des compétences qui lui permettent de réaliser un niveau de recettes en devises susceptible de continuer à financer le développement du pays. Mais la question est de savoir si Sonatrach a la taille critique de managers, d'ingénieurs, de techniciens et de spécialistes qui lui permettent d'aller plus vite dans son développement et dans le renouvellement de ses réserves de pétrole et de gaz. On peut en douter avec ce phénomène de dilapidation du capital humain. Sonatrach perd déjà beaucoup d'argent avec ces lenteurs dans la prise de décision et des situations d'incompétence dans certaines activités ou filières. Ces lacunes sont encouragées par l'absence de transparence et d'une politique de ressources humaines qui évalue les performances par objectifs et qui gratifie le mérite. Au demeurant, ces phénomènes ne sont pas propres au secteur pétrolier. Elles s'étendent à maints secteurs d'activités en Algérie. Mais ce qui est grave dans ce dossier, c'est que cette situation concerne la plus importante entreprise du pays, au top 20 des plus grandes compagnies pétrolières au monde, et qui procure quasiment toutes les devises tirées des exportations et plus de 60% des recettes fiscales de l'Etat. Avec ces tendances, le vaisseau Sonatrach, qui enregistre des fuites dans sa plus importante ressource, risque non seulement de fragiliser la sécurité énergétique et financière de l'Algérie mais de "couler" le pays.