Une enquête montre que sur un échantillon de 7 000 PME, 40% des effectifs ne sont pas déclarés à la Sécurité sociale. Dans un rapport explosif, le CNES met à nu les méfaits de ce fléau sur l'économie nationale. Le document sera examiné avec ceux de la conjoncture et du foncier, au cours de la session du Conseil qui s'ouvrira dimanche prochain. Ce dernier qualifie la progression du phénomène de l'informel “de tentaculaire”. Le développement exponentiel de ce fléau, alimenté par une armée de réserve, composée d'exclus du système éducatif, de chômeurs et de pauvres, n'a pas pu être endigué par les nombreux dispositifs d'emplois. Commerces et fraudes fiscales De phénomène marginal, le marché informel a pris, aujourd'hui, une croissance inquiétante. Le recensement des marchés et intervenants informels, à l'échelle nationale, engagé dès l'année 2000, a permis de dénombrer 700 marchés illégaux d'une superficie estimée à 2,7 millions de mètres carrés au sein desquels activent près de 100 000 personnes, soit l'équivalent de 14% des commerçants inscrits au registre du commerce. Globalement, la part du marché informel est estimée, actuellement, par le ministère du Commerce à 35% de l'activité commerciale totale. L'achat et la vente sans facture sont des axes de fraude importants. Les opérations de recherche menées en 2000 et 2001 par l'administration des impôts sur un échantillon de 33 fournisseurs importants, publics et privés (18 producteurs et 15 importateurs), et sur 755 de leurs clients dont les achats annuels dépassent les 20 millions de dinars, révèlent que les montants dissimulés par rapport aux montants des achats réalisés, sont en moyenne pour les deux années de 73%. Ce taux représente 44 milliards de dinars, soit plus de 500 millions de dollars échappant à tout prélèvement fiscal. Le CNES, en prenant l'exemple de l'importation de la banane, souligne qu'entre le premier janvier 2002 au 30 novembre 2002, 40 importateurs ont réalisé un montant total d'importation de 5,070 milliards de dinars dont 4,786 (soit 96%) n'ont pas été déclarés aux services fiscaux. La reconstitution des achats donne un chiffre global de 6 milliards de dinars, un bénéfice de l'ordre de 897,4 millions de dinars et une perte fiscale de 1,4 milliard de dinars. Le nombre d'importateurs (tous produits confondus) est évalué à 35 000. 43%, note le rapport, activent avec des registres du commerce loués. Le CNES souligne que l'action de lutte des pouvoirs souffre d'une absence de coordination et d'intégration. Sur 565 plaintes déposées, entre 1999 et 2002, seules 285 ont été jugées soit à peine 50%. De plus, il ressort que la durée moyenne de traitement d'une plainte est de 2 ans. L'emploi informel : 1,4 million de travailleurs “L'évaluation de l'emploi en Algérie est très difficile et varie d'une source à une autre”, note le CNES dans son projet de rapport sur le secteur informel. Mais, souligne-t-il, son poids est incontestable. Reprenant les données du service du plan, le CNES affirme que l'emploi informel est passé de 15% en 1999 à 17% en 2003, par rapport à l'emploi total. Hors agriculture, il a augmenté de 18,6% à 21,9%. L'Office national des statistiques, lui, évalue l'emploi informel à 900 000 au moins en mars 1996. Cette évaluation ne considère que les travailleurs à domicile et les aides familiales. Une étude de la Banque mondiale soutient la part de l'emploi informel dont l'emploi total a évolué entre 1992 et 1996 de 17% à 22%, soit une croissance annuelle moyenne de 11% contre une croissance de 2% pour l'emploi structuré. La part de l'emploi, dans le secteur de l'informel pur, s'est consolidée en passant de 28% à 58% sur la même période considérée. Par contre, la part de l'emploi formel, sous-déclarant, tend à baisser passant de 72% à 42%. La distribution de l'emploi informel par branche d'activité classe au premier rang, le commerce et les services avec 67%, suivi du BTP avec un taux oscillant entre 21% à 31% et l'industrie entre 8% et 15%. Le Cread, pour sa part, affirme que le taux de non-immatriculation a connu entre 1992 et 2001, un accroissement de l'ordre de 8,1 points en passant de 26,6% à 34,7%. Plus de 64% des employeurs et indépendants, ne sont pas affiliés en 2001, à la Sécurité sociale. Concernant les salariés, le Cread a relevé que plus de 20% ne sont pas affiliés en 2001. Le CNES affirme que l'estimation de l'emploi informel, 1,321 million en 2001, se rapproche de celle avancée par d'autres secteurs. Les services du délégué à la Planification et le ministère du Travail et de la Sécurité sociale ont évalué l'emploi informel, à près de 1,4 million. Evasion sociale Une enquête menée par le Cread, en 2001, révèle que sur 7 500 PME enquêtées, 41% de ses effectifs ne sont pas déclarés à la Sécurité sociale. Une enquête de la CNAS, effectuée au niveau de 5 wilayas et qui a porté sur 6 096 employeurs, montre que près de la moitié des employeurs n'est pas propriétaire des locaux de leur exploitation d'où la difficulté du contrôle et du recouvrement de cotisations ; un taux très important d'emplois de travailleurs occasionnels (près d'un travailleur sur deux) et la présence assez forte de travailleurs ne résidant pas dans la wilaya d'activité (près d'un travailleur sur trois) ; environ deux tiers des employeurs enquêtés servent des rémunérations en deçà du SNMG ; la main-d'œuvre vit dans une grande précarité, préoccupée seulement par le fait d'avoir un emploi, de le maintenir et d'avoir un revenu même modeste. Concernant la Casnos, au 31 décembre 2002, elle comptait 405 000 adhérents qui s'acquittaient de leur cotisation sur un nombre d'affiliés actifs estimé à 1,05 million. Le potentiel d'assujettis est évalué à 2 millions. Repères -Le trafic de cheptel avoisine un million de têtes par an en direction de la Tunisie, de la Libye et du Maroc, soit une valeur de 100 millions de dollars par an. -Pour les dérivé du cheptel, notamment les cuirs et peau, pour l'année 2000,1 727 000 peaux ont été exportées frauduleusement, soit 518 millions de dinars. -Le programme de mise à niveau dispose de 20 millions d'euros pour la prise en charge de 600 entreprises à raison de 20 entreprises par an. Le montant dégagé par l'Etat pour ce même programme atteint 23 milliards de dinars. À fin 2003, seulement 34 entreprises ont pu bénéficier d'une partie de ce programme limitée à un diagnostic. Un système d'information insuffisant “Notre système d‘information économique et social se caractérise par d'importantes insuffisances”, souligne le CNES, dans son projet de rapport sur les exigences d'information économique et sociale. Le rapport constate au moins trois insuffisances : sur le plan normatif, en enregistrant des retards importants dans les domaines des nomenclatures, de la mise à jour des fichiers et des cadres de synthèse statistique, des insuffisances des réseaux de collectes de l'information et l'insuffisance des travaux d'analyse. D'une manière générale, note le CNES, l'information produite est insuffisante aux regards de la fiabilité, de la couverture, de la pertinence et de la convergence. M. R.