Vers treize heures, les manifestants, en majorité des jeunes, ont tenté de réinvestir le siège de l'APC après l'enterrement du jeune Sellami, décédé lors des affrontements de dimanche dernier. Adossée au flanc du mont Bouabed, la petite commune d'Asfour, distante d'une cinquantaine de km de la wilaya d'El-Tarf, dont elle dépend administrativement, donne l'impression d'une agglomération paisible. L'impression seulement car elle a été le théâtre, dimanche dernier, d'une émeute populaire qui a coûté la vie à un jeune habitant âgé d'à peine 19 ans. L'affichage d'une liste d'attribution de 59 logements sociaux a été à l'origine du mécontentement populaire, qui s'est soldé par la mise à sac du siège de l'APC et la destruction de deux véhicules utilitaires qui y étaient stationnés. La jeune Sellami Hemaïda, qui se trouvait coincé dans le magasin de la commune en proie aux flammes, a péri asphyxié. Deux autres jeunes gens du même âge s'en sont tirés miraculeusement, le premier avec des brûlures sans gravité, alors que le second est toujours en observation au niveau du service de réanimation de l'hôpital Ibn- Sina d'Annaba. Hier, dans la mi-journée, un début d'émeute s'est produit aux alentours du siège de l'APC alors que la foule nombreuse, qui avait accompagné la dépouille du jeune Sellami, revenait du cimetière d'Asfour. Plusieurs dizaines de jeunes manifestants en colère ont tenté de pénétrer de nouveau dans l'enceinte de la mairie mais en ont été empêchés par les éléments du groupement d'intervention rapide (GIR) El-Hadjar, cantonnés sur les lieux, depuis la veille. Frustrés, les manifestants se sont alors déplacés à la sortie du village pour dresser des barrages de pierres et de troncs d'arbres enflammés, interdisant ainsi toute circulation automobile sur ce tronçon du CW144 qui relie Asfour à Ben-M'hidi. Approchés, les jeunes crient leur amertume contre les élus locaux et particulièrement contre le P/APC qui représente à leurs yeux une Algérie dont ils ne veulent, de toute évidence, plus. “Cela fait 20 ans qu'il siège dans cette APC et il n'a jamais rien fait pour la population. Pas de travail, pas de logements, ni rien qui nous donne le moindre espoir pour le futur...”, assène ce jeune d'une voix courroucée. “Il faut qu'ils partent parce qu'ils n'ont pas compris qu'ils ont affaire à la génération de la démocratie maintenant. Ils ne peuvent plus nous rouler dans la farine comme ils l'ont fait pour nos parents...”, enchaîne un autre qui précise que l'affaire des logements n'est pas la raison véritable des émeutes et que la population a manifesté pour l'amélioration de toutes les conditions de vie des gens de la région. Le président d'APC, que nous avons rencontré dans ce qui lui reste de bureau, était apparemment éprouvé par les évènements. Il nous raconte que des manifestants munis d'armes blanches ont voulu attenter à sa vie et qu'il n'a dû son salut qu'à l'intervention des gendarmes. “J'ai été surpris par la tournure de la situation. Je ne comprenais même pas que l'on me reprochait, la liste de bénéficiaires des logements sociaux qui a été élaborée par tous les représentants légaux de la société civile en toute transparence”. L'inconnu qui se revendique en tant qu'élu indépendant après avoir assumé la responsabilité sous les couleurs FLN en 1990 et RND ensuite. Pour lui, cette commune de 12 000 âmes souffrent d'un isolement relatif par rapport aux wilayas d'El-Tarf et d'Annaba qui la cernent. “Que peut-ont faire avec 59 logements quand on a quelque 900 demandes à satisfaire dont 400 formulées par les habitants des baraques qui enlaidissent Asfour. Pour ce qui est du reste, il n'y a pas d'autres débouchés que l'agriculture pour les milliers de jeunes qui attendent des emplois faute de ne pouvoir en trouver à Annaba et ailleurs”, déclare-t-il comme pour dire son impuissance à gérer les affaires dont il a la charge. Il n'hésite pas à affirmer que la réaction de la population a été sciemment provoquée par un de ses rivaux directs, un industriel de la région qui aurait soudoyé des agitateurs dans le seul but de le déloger. Un argument que dément la rue, encore en proie à une fièvre indescriptible jusqu'à hier 16 heures, bien après que les gendarmes eurent forcé les manifestants à libérer la chaussée. Le pire reste à craindre dans les heures à venir avec le regroupement des jeunes émeutiers notamment. A. A.