Pressé de repasser le bébé au gouvernement de transition, qui, tout de même a l'avantage d'être reconnu par la communauté internationale, Bush a remis aux Irakiens les clefs de Bagdad, 48 heures avant la date butoir. Washington marque sa volonté de voir l'lrak se normaliser dans la légalité et, du coup, s'expose moins au chaos qui s'est installé dans le pays. La montée en flèche des attentats terroristes risquait de remettre en cause le dispositif de transfert du pouvoir et Bush n'aurait eu d'autre issue que d'acheminer de nouveaux contingents en Irak. Ce qui est quasi impossible à moins de recourir aux circonscrits. À l'étranger, les membres de la coalition estiment avoir fait le plein et plusieurs pays souhaitent plutôt retirer leurs militaires. Aux Etats-Unis, appeler sous les drapeaux de jeunes recrues, c'est faire revivre le syndrome vietnamien. Les Américains ne souhaitent pas voir leurs enfants mourir pour une cause dont ils disent ne plus comprendre les tenants et les aboutissements. Tant que c'est une affaire de militaires de métier, Bush peut se permettre de surfer sur sa débâcle. Sur le terrain, c'est le chaos. La situation n'a cessé de dégénérer. Le terrorisme, dont on ne discerne pas les multiples visages, frappe sans arrêt et aveuglément. Après les policiers irakiens et les candidats pour la nouvelle armée irakienne, les attentats, de plus en plus meurtriers visent les partis politiques, qu'ils soient favorables ou non à la transition établie par Washington et à laquelle a adhéré l'ensemble de la communauté internationale : I'Onu, la Ligue arabe, I'OCI et l'UE. L'objectif étant de mettre en difficulté les nouveaux dirigeants irakiens. Par ailleurs, et toujours dans le cadre de cette stratégie, les voitures piégées explosent dans les quartiers populeux pour faire le plus de victimes et susciter un renversement de la situation. Les attentats se multiplient partout, chez les chiites, les sunnites et les Kurdes. Le siège du parti chiite du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (Csrii) a été rasé. Le Csrii est représenté au sein des instances de transition mises en place par Bush. Le parti de l'Entente nationale du Premier ministre Iyad Allaoui a été dynamité. À Erbil, des responsables du Parti démocratique du Kurdistan ont été visés dans un attentat à la voiture piégée. Le PDK de Massoud Barzani contrôle deux provinces du Kurdistan, Erbil et Dohouk. L'autre parti kurde, également la cible de terroristes, I'Union patriotique du Kurdistan (UPK, de Jalal Talabani), qui contrôle la troisième province kurde de Souleimaniyah. Ces attaques ont été revendiquées au nom du réseau du Jordanien Abou Moussab Al Zarqaoui, accusé de liens avec Al Qaïda. Bush accuse l'islamisme radical irakien, Al Qaïda et sa logistique comprenant des mercenaires dépêchés de régions limitrophes de l'lrak et les miliciens chiites du chef radical Moqtada Sadr, dont on ne sait pas trop ce qu'il recherche vraiment. Ce bouillonnant chiite que la hiérarchie chiite a décrié, mais qui mobilise chez les laissés-pour-compte, voudrait sa part du gâteau. Il souffle le chaud et le froid pour obtenir une place, et il ne s'en cache plus puisqu'il a annoncé la création d'un parti en prévision des élections de 2005. Les attentats, disent les experts, constituent, au-delà de l'idéologie qui anime les terroristes, une sorte de bras de fer entre diverses forces pour l'lrak post-Saddam. Le gouvernement de transition, pour sa part, n'entend pas se laisser conter. Pour lui, d'abord l'arrêt du terrorisme, ensuite le désarmement des milices. Ce qui n'est pas évident, quand bien même Bagdad a l'assurance d'être épaulé par l'Otan. D. B.