Avant même l'arrivée du directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique, Sharon a réaffirmé la politique d'ambiguïté de son pays sur la question du nucléaire. En effet, le gouvernement israélien n'a pas mis beaucoup de temps pour faire comprendre à Mohammed Al-Baradeï qu'il n'était pas le bienvenu. Tôt mardi matin, jour de l'arrivée du directeur général de l'AIEA à Tel-Aviv, Ariel Sharon a déclaré à la radio militaire israélienne ne pas comprendre le motif de la visite. Ensuite, il a réaffirmé que son cabinet maintient la politique ambiguë sur le nucléaire, pratiquée depuis une quarantaine d'années par ses prédécesseurs au poste. Il faut dire que l'exécutif israélien a pratiqué un black-out total sur la centrale nucléaire de Dimona, construite au début des années 1960 dans le désert du Néguev. Pour l'histoire, ce sont les Français qui ont fourni, en 1956, au gouvernement sioniste le réacteur nucléaire et l'uranium enrichi pour lancer le projet. Aujourd'hui, Israël dispose d'environ 200 ogives nucléaires. Cette estimation se base sur les renseignements fournies, il y a une vingtaine d'années, par Mordechaï Vanunu. Ayant travaillé dans la centrale nucléaire de Dimona, ce technicien avait réussi à quitter Israël avant d'être arrêté par les services secrets israéliens qui l'ont ramené à Tel-Aviv. Vanunu a payé son escapade en passant dix-huit années en prison. Il a été libéré récemment. L'exemple de Mordechaï Vanunu constitue la meilleure illustration de la confidentialité absolue et la rigueur pratiquées par les Israéliens sur la question du nucléaire. Pour éviter que le site de Dimona soit inspecté, Israël a toujours refusé d'entendre parler du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) signé par la majeure partie des pays membres de l'AIEA. D'ailleurs, même les Américains ne sont jamais parvenus à connaître avec précision ce que les Israéliens produisent dans cette centrale nucléaire. Cependant, les observateurs internationaux sont formels, avec son potentiel de 200 têtes nucléaires, Israël est la sixième puissance nucléaire mondiale. Partant de là, la visite de Mohammed Al-Baradeï n'a aucune raison d'être. Ce n'est, ni plus ni moins, qu'un coup d'épée dans l'eau. Lors de sa présence en Israël, le DG de l'AIEA a eu droit à un dialogue de sourds avec ses interlocuteurs, nullement disposés à discuter d'un sujet dont ils refusent d'en reconnaître l'existence. La position israélienne vis-à-vis de leur hôte se justifie doublement. Non seulement ils n'admettent pas qu'on leur parle de ce dossier, mais la nationalité du visiteur, égyptienne, rajoute à leur méfiance bien qu'un traité de paix est en vigueur entre les deux pays. Conscients de cela, Al-Baradeï a certainement fait le déplacement pour la forme, car sachant pertinemment qu'il repartira bredouille. Son idée de proposer aux Israéliens un Proche-Orient dénucléarisé n'avait aucune chance d'intéresser les responsables locaux, pour lesquels l'arme nucléaire constitue une assurance-vie dans une région qui leur est totalement hostile. K. A.