L'existence du journal est sérieusement menacée. Depuis hier, il est absent des étals. La cause ? La Simpral a décidé de ne plus l'imprimer pour défaut de paiement d'un arriéré estimé à 38 millions de dinars. Dans l'édition électronique du Matin,on pouvait lire aujourd'hui : “Hier (vendredi, ndlr) nos services techniques se sont vus refuser les pages de l'édition du jour de notre journal par le directeur technique de la Simpral, M. Baghdadou, agissant sur instructions de dernière minute de sa hiérarchie. Cette même hiérarchie, qui nous avait signifié par fax qu'elle cesserait ses prestations, en cas de non-paiement, à compter du 24 juillet 2004, était injoignable toute la soirée.” Bien plus, la direction de l'imprimerie a procédé à la mise en application de l'ultimatum qu'elle a unilatéralement fixé au Matin, une journée avant son expiration. Chose qui a suscité la désapprobation des responsables du Matin. “Vendredi, vers 20 heures, le directeur technique de la Simpral a reçu une instruction de sa hiérarchie de ne pas procéder à l'impression du journal. Le problème dépasse le cas du Matin. Il s'inscrit totalement en faux contre les règles de la commercialité”, explique-t-il. La question qui se pose est de savoir pourquoi une telle intransigeance de la direction de l'imprimerie à l'égard du Matin, alors qu'elle atteste de sa solvabilité et reconnaît ne survivre que grâce à ses paiements. Selon les responsables du Matin, la Simpral a des créances auprès des titres publics et privés de l'ordre de 375 milliards de centimes. Aussi s'étonne-t-on d'un tel empressement de l'imprimeur à récupérer une infime partie de 3,8 milliards de centimes qu'il doit au Matin, tout en fermant les yeux sur le gros de ses redevances. “La décision est éminemment politique. Il y a une volonté manifeste et claire pour faire taire et fermer le journal Le Matin. Cette volonté s'exprime avec les pressions exercées sur les annonceurs”. Le peu d'empressement de l'imprimeur à récupérer une partie de ses redevances est l'autre signe de cette “volonté de nuire”. La direction du Matin lui a proposé, jeudi dernier, le paiement de 1,9 million de centimes et de lui accorder un échéancier pour la partie restante. L'imprimeur s'est montré sourd à cette proposition. Ce qui a fait dire à Youcef Rezoug, rédacteur en chef, que cette décision de suspension “dépasse l'imprimeur”. Mais, à ses yeux, ce n'est pas seulement Le Matin, mais toute la profession, et par-delà les libertés publiques, qui sont menacées. “On veut nous imposer un type de journalisme, dit exemplaire, qui ne fait que répercuter tout ce qui vient d'en haut”, résume-t-il. Mais que comptent faire les responsables du journal pour assurer la réapparition du titre ? “La solution ne peut être que politique. La volonté des pouvoirs publics à respecter le pluralisme et la liberté d'expression doit s'exprimer dans les faits. Qu'on revienne aux règles de la commercialité”, a exigé Youcef Rezoug. Une volonté qui semble faire défaut. Surtout qu'hier, la SIE a, à son tour, sommé le journal de s'acquitter de ses impayés. Toutefois, on compte beaucoup, au Matin, sur la mobilisation de la corporation et de la société. Maigre consolation, le journal continuera à paraître sur… Internet. Mais jusqu'à quand ? Surtout que le collectif du journal encaisse mal le présent coup. Même son directeur, pourtant en prison, en a pâti. A. C. Communiqué Inquiétudes sur l'état de santé de Benchicou Les nouvelles sur l'état de santé de Mohamed Benchicou, données depuis jeudi 22 juillet par ses avocats, sont alarmantes. Depuis son incarcération, le 14 juin dernier, le directeur du Matin avait, en dépit de toutes les pressions subies, gardé un moral d'acier. La gêne et la douleur qui lui paralysait le bras droit, s'étaient même quelque peu calmées, mais la semaine dernière, soit le lendemain de l'ultimatum donné par l'imprimeur Simpral à son journal, son état s'est subitement dégradé. Samedi dans la matinée, ses avocats nous ont précisé qu'en raison d'une baisse de tension anormale, Mohamed Benchicou a été mis sous perfusion. L'acharnement des pouvoirs publics contre son journal, ses conditions de détention, le retard pris dans le procès en appel, sont manifestement les facteurs déclenchant de cette dégradation. Nous attirons l'attention de l'opinion et des centres de décision sur la gravité de cette situation. Le Matin Comité national pour la libération des journalistes Déclaration Quel crime a donc commis Mohamed Benchicou qui justifie qu'on l'assassine à petit feu, qu'on le laisse mourir lentement derrière les murs de la prison ? Après 40 jours d'incarcération, les nouvelles de sa santé qui nous parviennent de la prison d'El-Harrach, où il est enfermé sont alarmantes. Les dernières informations émanant de ses avocats, auparavant très mesurés, nous font craindre le pire. Samedi, dans la matinée, en raison d'une baisse de tension anormale, notre confrère et ami a été mis sous perfusion. Mohamed Benchicou n'est pas homme à se plaindre, il a supporté, au nom de la défense du droit à l'expression, du pluralisme et de la liberté de la presse, bien des épreuves. Mais aujourd'hui, c'est sa vie qui est en danger. Nous savons que l'acharnement des pouvoirs publics contre son journal, de nouveau suspendu à l'impression hier, et le retard pris délibérément dans la fixation de la date de son procès en appel, sont les facteurs déclenchant de la dégradation de sa santé. Il faut faire vite. Chaque jour qu'il passe entre les murs de la prison ruine un peu plus sa santé. Nous ne nous tairons pas, nous voulons que Mohamed Benchicou soit rendu à ses enfants, à son journal, à sa famille professionnelle sain et sauf. Nous disons, ça suffit ! Trêve au massacre des journalistes, trêve au massacre de la presse libre. Signataires : - Conseil supérieur de l'éthique et de la déontologie - Syndicat national des journalistes - El Watan - Le Matin - Le Soir d'Algérie - Liberté - Akher-Saa - El Fadjr - Al Khabar - L'Est républicain