Les personnalités de la mouvance démocratique ont fait leur rentrée à travers des universités d'été alors que les islamistes se sont emparés du code de la famille pour occuper la scène. Bien des formations, se recrutant dans l'opposition comme dans l'alliance présidentielle, se sont signalées par des activités les ayant mis au devant de la scène. Les universités d'été et les conférences de presse se sont succédé ces derniers jours. Certes, ce n'est pas le grand emballement, mais la léthargie, qui a gagné la classe politique des mois durant, semble avoir pris fin. Il y a comme une prise de conscience, chez l'opposition surtout, de la nécessité vitale à investir le terrain. C'est vrai que la débâcle du 8 avril avait comme ankylosé des personnalités et des partis jusqu'alors très actifs. La période de répit ayant été consommée, le pouvoir de Abdelaziz Bouteflika est tenu maintenant de compter avec une opposition qui montre de plus en plus ses crocs, signifiant ainsi sa présence. La belle opportunité pour les démocrates de se remettre sur selle est l'université d'été du Rassemblement pour la culture et la démocratie, tenue les 2 et 3 septembre passés à l'hôtel Matarès de Tipasa. Les Saïd Sadi, Ali Benflis, Sid Ahmed Ghozali et Sofiane Djillali ont ainsi renoué avec l'action publique. Dans leur intervention se dégage le même constat : les acquis post-octobre 1988, les libertés publiques notamment, sont plus que jamais menacées d'une remise en cause. Ces acteurs ont tous dénoncé le retour de la pensée unique. Tous aussi ont mis l'accent sur la nécessité de trouver la meilleure parade à même de contrecarrer “la dérive totalitaire” rampante et l'urgence de constituer un contre-pouvoir. Mais force est de reconnaître que la volonté et la disponibilité à descendre dans l'arène pour livrer combat ne semblent pas être les mêmes chez tous les acteurs. Le FFS de Hocine Aït Ahmed semble avoir du mal à se remettre de sa participation aux élections locales d'octobre 2002. L'arrivée de Djoudi Mammeri à la tête du secrétariat national, s'il a assuré une certaine stabilité au parti, n'a pas vraiment créé une grande dynamique en son sein. Et sa crise interne de ce mois d'août (installation de Bouhadef comme premier secrétaire puis sa démission et son remplacement par un intérimaire en la personne de M. Laskri) lui fait rater en quelque sorte son entrée politique. Englué donc dans ses problèmes “domestiques”, le plus vieux parti de l'opposition s'est contenté d'une conférence sur la pauvreté animée par Mohand Amokrane Cherifi. Pour sa part, la pasionaria du Parti des travailleurs (PT) a fait sa rentrée politique en brandissant à nouveau la menace de désintégration qui pèserait sur le cadre national. Elle a saupoudré son constat alarmiste d'un nouvel ingrédient aux relents islamistes : le danger de l'évangélisation qui plane sur la Kabylie. Elle s'est élevée contre l'orientation libérale de l'action gouvernementale, tout en tombant à bras raccourcis sur ceux qui s'opposent aux derniers amendements apportés au code de la famille, c'est-à-dire les islamistes. Ces derniers, pour leur part, ont préféré enfourcher ce cheval de Troie qu'est le code de la famille pour signer leur rentrée et partir en croisade contre le pouvoir. Les amendements apportés à ce code les ont mis dans tout leur état. L'inénarrable leader du MRN, Abdellah Djaballah, est allé jusqu'à voir dans ces amendements “une attaque frontale contre l'islam du président de la République qui a épousé les idées du mouvement occidentaliste”. Faisant dans l'enflure, il poussera la caricature jusqu'à évoquer “une guerre contre la religion musulmane !” C'est à peine s'il n'a pas demandé la décapitation sur la place publique des concepteurs de ces amendements. Ceci dit, il a promis de tout entreprendre pour faire capoter un tel projet. Si la rhétorique utilisée par le Cheikh Djaballah prête à sourire, il a le mérite tout de même d'appeler un chat un chat. Il a porté la responsabilité de ce “dérapage” au président de la République qui a promis la chose lors de la campagne électorale pour la présidentielle. Si le MRN a les moyens de son opposition frontale à ce projet, ce n'est pas le cas de son frère ennemi, le MSP. Certes, le parti d'Abou Djerra Soltani est le premier à descendre en flammes les amendements apportés au code de la famille. Il est allé jusqu'à exiger la tenue d'un référendum sur la question. Tout en avertissant qu'il s'opposera à ce projet s'il échoue au Parlement. Mais sans plus. Le parti funambule n'ira certainement pas jusqu'à démissionner du gouvernement ou se retirer de la coalition gouvernementale. Abou Djerra Soltani a pris les devants pour le signifier. Car pour lui “faire parti d'une coalition ne veut pas dire nécessairement fusionner” et, donc, le parti a toute la latitude de garder “ses spécificités et ses fondements”. Et tant pis pour la cohérence du discours. Pour le Rassemblement national et démocratique (RND) de Ahmed Ouyahia, l'heure est à la préservation de ses intérêts politiques : il s'agit pour lui de garder la longueur d'avance qu'il a prise sur ses pairs de la coalition gouvernementale, depuis le retour de Ahmed Ouyahia à la tête du gouvernement et la réélection de Bouteflika à la tête de la présidence de la République. À l'occasion de son université d'été, tenue fin août à Constantine, Ahmed Ouyahia a crié à qui veut l'entendre que c'est toujours la lune de miel entre lui et le président de la République, qu'il n'y aurait pas de remaniement ministériel, etc. Tout comme il s'est essayé à un cours sur la réconciliation nationale, un thème cher au président de la République. Une manière subtile et adroite de suggérer que le pouvoir c'est le RND. Et être au pouvoir c'est très payant électoralement. A. C.