La cacophonie que renvoie le débat sur le projet de code de la famille dans les allées de l'Alliance présidentielle et pour être plus précis dans l'entourage d'un des partenaires de cette coalition, en l'occurrence le MSP, pose la question récurrente de la solidarité gouvernementale. Ce principe qui est à la base de tout gouvernement de coalition est tout simplement vidé de tout son sens, pour ne pas dire complètement perverti par les sorties orageuses du parti islamiste membre de l'Alliance présidentielle. Celui-ci ne craint pas de s'inscrire carrément dans une perspective d'opposition et de fronde par rapport aux principes et amendements contenus dans le projet et portés par le gouvernement. Passe encore que l'autre parti islamiste jumeau, El Islah, qui se trouve bien dans le rôle de parti d'opposition, parte en guerre contre ce projet ; le contraire aurait été anormal. En revanche, l'agitation qui s'est emparée de la direction du MSP, partie prenante de l'Exécutif, depuis que le débat est porté sur la place publique, était inattendue. Du moins sous la forme violente avec laquelle les dirigeants du MSP font connaître l'opposition farouche de leur parti aux amendements contenus dans le projet. Là aussi, à bien y réfléchir, il n' y a rien d'étonnant dans cette position du MSP, lequel est passé maître dans l'art de l'équilibrisme en ayant un pied dans l'opposition et un autre au pouvoir ; une stratégie qui lui a valu d'intégrer l'Exécutif tout en ne cédant rien sur ce qui fait sa raison d'être : le projet de société islamiste dont il est porteur. Le Pouvoir, qui avait besoin de la caution islamiste pour parfaire l'image de bon démocrate qu'on attend de lui à l'extérieur, ouvert à toutes les sensibilités politiques qui traversent la société, a plutôt toléré et laissé faire ce parti qui s'est distingué sur certains évènements majeurs par des prises de position qui ne cadraient pas toujours avec les positions du gouvernement dont il était censé être logiquement solidaire. C'était le prix à payer. Il fallait ménager à ce parti une soupape de sécurité pour amortir la pression de sa base militante en entretenant l'illusion d'un parti qui a gardé intacte son autonomie même avec son implication dans l'Exécutif. OBLIGATIONS Le MSP semble bien trouver ses marques dans cette façon de concevoir son rôle sur l'échiquier politique. Ce n'est pas le cas du gouvernement qui est vivement interpellé pour éviter que les libertés que s'est octroyées le MSP n'altèrent pas la cohésion gouvernementale qui commande aux différents partenaires de la coalition de parler en toutes circonstances d'une seule et même voix. Est-il normal et politiquement correct qu'un parti se réclamant de l'Alliance présidentielle joigne sa voix à celles d'autres parties pour faire avorter avant sa conception même le nouveau projet du code de la famille, se plaçant ainsi carrément en porte-à-faux par rapport à la position du gouvernement qu'il est censé appuyer ? Le gouvernement et au-delà le président de la République, qui endosseront le projet de code de la famille dans la mouture finale qui sera présentée au Conseil des ministres, ont l'obligation de faire respecter à leurs alliés à ce stade du débat autour de ce projet les règles du jeu de l'alliance politique auxquelles les différents partenaires ont souscrit en toute souveraineté et en toute connaissance de cause quant aux obligations qui s'y rattachent en matière de solidarité gouvernementale. Il est étonnant à cet égard qu'au milieu de tout ce brouhaha qui s'élève des milieux islamistes et dans le cas d'espèce de l'intérieur du MSP le gouvernement, et à sa tête Ahmed Ouyahia, ne trouve rien à dire pour rappeler tout un chacun à ses obligations par rapport au contrat politique signé dans le cadre de l'Alliance présidentielle. Alors que les positions exprimées par ce parti à travers les déclarations enflammées de ses dirigeants dans la presse ont pris un contenu manifeste d'appel à la dissidence menaçant de bloquer par tous les moyens le projet avant son dépôt sur le bureau de l'APN, le gouvernement reste de marbre et fait mine de ne rien entendre. Faudrait-il attendre l'irréparable pour que le gouvernement ou le président Bouteflika à qui l'on impute la paternité des amendements apportés au code de la famille en viennent à siffler la faute ou la fin de la partie ? Pour l'heure, force est de constater que celle-ci se joue à huis clos, avec une seule équipe sur le terrain, dont les supporters, chauffés à blanc, sont, par ailleurs, prêts à envahir le terrain, et en l'absence de tout arbitre.