Nicolas Sarkozy tenait absolument à son effet d'annonce. Lundi soir, au cours de l'émission 100 minutes pour convaincre sur France 2, le ministre de l'intérieur annonce tout sourire la conclusion d'un accord pour l'installation du conseil français du culte musulman. “Avant la fin de l'année, on crée les conditions d'émergence du statut d'un organisme du culte musulman”, déclare-t-il. L'accord est paraphé par trois grandes représentations de la communauté musulmane en France : la Mosquée de Paris, puissante organisation inféodée au pouvoir algérien, la FNMF (Fédération nationale des musulmans de France), très proche du royaume marocain, et l'UOIF (Union des organisations islamiques en France), réputée être sous la coupe des frères musulmans. Le recteur de la Mosquée de Paris, Dalil Boubekeur, est intronisé futur président dudit conseil qui doit être composé de 60% d'élus et de 40% de cooptés. Et pour la première fois, cinq femmes en feront partie. Une minirévolution dans un univers religieux exclusivement réservé aux hommes. Nicolas Sarkozy est donc en passe de réussir là où ses différents prédécesseurs ont échoué. Initié par Pierre Joxe sous la présidence de François Mitterrand, la mise en place du conseil s'est longtemps heurtée à des considérations politiques. En l'an 2000, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur de Jospin avant sa démission, relance le processus de consultation sans pour autant que les choses se concrétisent. Il aura donc fallu un gouvernement de droite pour accélérer les choses. Comment Sarkozy a-t-il joué son coup ? Mercredi 4 décembre. Réunion au siège du ministère de l'intérieur. Les trois institutions sont représentées. Les discussions commencent. Les points de divergence sont aplanis avant qu'une autre réunion ne se tienne, le 7 décembre, en présence de Nicolas Sarkozy. Selon Le Figaro, ce dernier presse les interlocuteurs à conclure. “Il avait besoin de faire une déclaration à son émission du lundi”, affirme une source citée par le quotidien. Le ministre aurait même usé de menaces pour contraindre les trois représentants à trouver un compromis, auquel cas, c'en est fini du conseil. Sarkozy est non seulement pressé de trouver un accord mais compte bien l'annoncer en direct. Un accord est trouvé mais des membres de l'UOIF renâclent. La décision du ministère de l'intérieur de renforcer les structures désignées au sein du conseil n'est pas du goût des responsables de cette institution affiliée aux frères musulmans. Objectif de Paris : contrecarrer l'influence des fondamentalistes. Devant la montée des contestations, Sarkozy joue son va-tout. Il se rend à une réunion de l'UOIF où il arrache l'assentiment de cette association. Lundi 9 décembre, les trois représentants se retrouvent à la place Beauvau pour signer le document. Le ministre de l'intérieur peut donc réserver l'exclusivité de la nouvelle à son “show” du soir. Partie gagnée ? Au lendemain de l'annonce, les premières critiques pleuvent. Le recteur de la mosquée de Lyon ne cache pas sa colère. Il dénonce un “accord de dupes” et un “procédé inacceptable”. Il en veut au ministre. “Nicolas Sarkozy, dit-il, a simplement voulu marquer les esprits lors de son passage à la télévision en annonçant qu'il avait réussi en six mois à mettre les musulmans d'accord”. Soheib Bencheïkh, mufti de Marseille, est, lui, circonspect : “Je suis un peu sceptique sur cette initiative qui me paraît compliquée à mettre en place (...) Pourquoi vouloir doter coûte que coûte les musulmans d'une représentation presque malgré eux ?”, se demande-t-il. Comme dirait l'autre, telle est la question. F. A.