Une nouvelle pièce de théâtre, tissée autour de la vie et du combat libérateur de Lala Fadhma n'Soumer, a été présentée dimanche soir au théâtre Abdelmalek-Bouguermouh de Béjaïa. Emballée dans un genre qui relève de la fresque fantasmatique, le dramaturge Omar Fatmouche a offert une chronique aussi bavarde qu'émouvante sur l'itinéraire mythique d'une femme qui, toute sa vie, s'est évertuée à renier et à lutter contre les injustices liées autant à sa condition citoyenne qu'humaine. Alors que rien ne la prédestinait à un rôle social majeur, ayant grandi dans une ambiance familiale qui n'avait rien d'atypique, Fadma n'Soumer allait rapidement affirmer sa singularité en se rebellant d'abord contre certaines pesanteurs villageoises, ensuite en se lançant dans un combat épique contre le colonialisme conquérant. En fait, toute sa mutation comportementale rythmée par un désir ardent d'émancipation s'est déroulée, certes furieusement mais dans une tranquille linéarité. Après avoir refusé le mariage, malgré les commérages et les quolibets des gens du village qui ne comprenaient pas son attitude, Fadhma n'Soumer focalise sur l'occupation rampante et ses effets dévastateurs sur le pays. Ni le diktat de son frère Tayeb (rôle campé par Mouhoub Latrèche) ni toutes les pressions du voisinage n'ont réussi à l'infléchir. Et lorsqu'elle décide, en désespoir de cause, de s'y résoudre, ce n'est que pour assouvir son désir de faire de la résistance. Les tumultes du mois nuptial allaient en effet la pousser à prendre la poudre d'escampette et à se réfugier dans les montagnes. De retour, elle sème les graines de la révolte en portant son message libérateur d'abord dans le Djurdjura, ensuite dans tout le pays, soutenue par Chérif Boubaghla, venu expressément de Sour El-Ghozlane lui prêter main-forte avec ses troupes. Elle allait embraser toute la région en infligeant des défaites cuisantes aux troupes du maréchal Randon qui, lors de sa capture en août 1857, a dû lui rendre les honneurs en signe de reconnaissance pour sa bravoure. Omar Fatmouche a manifestement réussi un filage de premier ordre en dépoussiérant l'image du mythe entretenue dans l'imaginaire populaire, mais aussi en lui rendant sa dimension de femme populaire, sortie de l'anonymat du fait de l'injustice fait à son pays et à son peuple. La mise en scène, savamment élaborée, et soutenue par un magnifique décor de débarquement a fait revivre d'une certaine façon toute l'épopée de l'héroïne, dont le défi de représentation a été joliment relevé par Naïma Khima. APS