Il était minuit passé lorsque le président du FFS a fait irruption dans la salle de conférences du Centre international de la presse (CIP) à Alger. Cette visite impromptue a évidemment suscité un vif intérêt chez une assistance conviée par l'ambassade des Etats-Unis pour vivre en direct le déroulement de l'élection présidentielle américaine. Alerte et dispos, Hocine Aït Ahmed, tout sourire, se rend tout de suite disponible. Interrogé sur les raisons de son intrusion, il répond sans ambages : “Je viens voir la presse !” Il est aussitôt assailli, sollicité par des journalistes qui, le match Bush-Kerry n'ayant pas encore débuté sur les grandes chaînes occidentales, commençaient à s'alanguir de cette entame de soirée américaine. Pour Aït Ahmed, le choix est vite fait : “Vous me demandez pour qui je suis ? La question ne se pose même pas ; Bush doit être chassé de la Maison-Blanche, il a ouvert une boîte de pandore qu'il sera difficile de refermer.” Il est pour John Kerry, le candidat démocrate. Les journalistes restent collés à ses basques. Il crut un instant échapper à leur vigilance quand la première vague de harcèlement prend fin. Mais en s'installant dans un fauteuil pour suivre les images de NBC et de LCI, notamment, il fit face à la deuxième charge. Au menu, pendant près d'une demi-heure, FFS, Bouteflika, amnistie générale, Kabylie, presse ; bref, des dossiers de l'heure. FFS : “La crise dans notre parti a été créée par la presse, c'est elle qui la gère. Du reste, nous vivons dans un pays où il est quasi impossible d'y échapper. Tous les partis ont leur crise, et alors, tout se règle.” Hocine Aït Ahmed, un vieux renard qui vient fêter le 50e anniversaire du déclenchement de la Révolution, a le sens de la répartie. Il répond en souriant, prenant l'auteur de la question par la main ou le bras. Abdelaziz Bouteflika : “Est-ce que je l'ai rencontré ? Non. Est-ce que je vais le rencontrer ? Je n'ai jamais refusé de rencontre, à condition qu'elle soit bien organisée ; il faut qu'il y ait au moins un ordre du jour.” Le révolutionnaire refuse en fait de s'afficher en public avec le chef de l'Etat de peur d'être piégé par les caméras de la télévision nationale. Les anciens présidents Ahmed Ben Bella et Chadli Bendjedid ont accepté de se prêter au jeu, histoire pour l'actuel hôte d'El-Mouradia de conforter l'opinion et de promouvoir sa politique de réconciliation nationale. Aït Ahmed croit qu'il a encore du destin, pourquoi alors se compromettre ? L'amnistie générale, il préfère ne pas en parler : “Je n'ai rien à dire là-dessus.” La Kabylie : “Il n'y a jamais eu de crise dans cette région. On l'a installée pour créer un état d'instabilité. Cela me rappelle 1992 : le coup d'Etat ne visait point à faire barrage aux islamistes.” Pour lui, les archs “sont bien une invention des services. Ils n'ont jamais constitué une réalité en Kabylie”. Le président du FFS lit la presse algérienne. Il y trouve des “choses intéressantes” même si sur la chaîne qatarie Al Jazeera, il lui avait un jour reproché de trop mentir. Il le dit aujourd'hui d'une autre manière : “Vous savez, en Algérie, on ne sait pas ce qu'est le mensonge tellement on en met tout le temps.” L. B.