L'Union africaine joue sa crédibilité dans le conflit qui ravage le Darfour dans le Soudan depuis février 2003. Les chefs d'Etat africains doivent impérativement venir à bout de ce conflit s'ils veulent que le continent africain ne soit plus l'otage et le fonds de commerce de forces extra-africaines. Le règlement de cet épineux dossier donnera assurément des ailes à l'Union africaine (UA) qui ambitionne de ressembler à l'ONU et à l'union européenne. L'UA, à l'évidence, peine à déployer sa mission d'observation de plus de 3 000 hommes. En juin dernier, un contingent de 155 observateurs protégés par 310 militaires a été dépêché au Darfour pour y faire respecter l'accord de cessez-le-feu mais, devant les tergiversations des autorités de Khartoum, l'UA pourtant appuyée par le conseil de sécurité de l'ONU, a décidé le 20 octobre passé de porter l'effectif total de ce contingent à 3 320 hommes. Mais, à ce jour, seuls quelque 760 hommes sont en place et, depuis, son siège d'Addis-Abeba, l'UA réfute d'avance toute critique sur la lenteur du déploiement. En refusant de condamner le pouvoir soudanais, l'UA n'exprime-t-elle pas que l'abandon du syndicat des chefs d'Etat dont avait été accusé auparavant l'OUA est encore loin de se réaliser ? Il reste, cependant, qu'elle aurait tout de même réussi à rompre avec l'impuissance qui avait caractérisée l'OUA, qu'elle a remplacée en 2002, en imposant, pour la première fois, à un de ses Etats membres l'envoi d'une force armée pour protéger des observateurs sur son sol, sans qu'aucun accord de paix n'y ait encore été signé. Même si le gouvernement soudanais a cédé devant les menaces de sanctions brandies par les Etats-unis via le conseil de sécurité de l'ONU, le fait est qu'il ait fini par accepter une force africaine sur laquelle il était d'abord très réservé. “Même si nous savons que signer un accord ne suffit pas, nous venons de faire une avancée importante à Abuja en signant deux protocoles : humanitaire et sécuritaire”, devaient se réjouir les mandants de l'UA aux pourparlers au Nigeria entre Khartoum et les rebelles du Darfour, justifiant les retards dans l'application des résolutions africaines par de gros problèmes logistiques que l'UA ne peut pas acquérir tant que ses membres n'honorent pas leur participation financière. Djinnit, le représentant de l'Algérie dans le comité des conflits, se veut optimiste. Pour lui, les choses s'amélioreront, au plus tard, dans 6 mois ! Ce délai suffira-t-il pour améliorer le financement fragile de l'UA ? Les 222 millions de dollars requis par l'assistance africaine au Darfour pendant un an ne sont pas entièrement mobilisés. L'UA reste largement tributaire de l'aide extérieure et, sans elle, elle ne peut envisager le renforcement de sa mission. Le gouvernement soudanais, qui vient à peine de trouver des arrangements avec la rébellion du sud menée par John Garang au motif que Khartoum voulait se débarrasser de ses populations chrétiennes et animistes, a provoqué dans le Darfour la plus grave crise humanitaire, en cours au monde, selon l'ONU. Près de 150 000 habitants du Darfour ont encore fui leur foyer le mois dernier, s'ajoutant aux quelque 1,5 million de personnes déplacées ou de réfugiés ayant gagné le Tchad voisin. D. B.