Le gouvernement Sellal peine à résoudre la question des départs à la retraite, notamment dans le secteur public, les entreprises dites stratégiques et même les institutions. Mais, dès le départ, le gouvernement faisait fausse route. En effet, Abdelmalek Sellal, et avant lui Ahmed Ouyahia, ont "pondu" des circulaires pour contraindre les entreprises et les institutions à libérer les "retraitables". Or, nul besoin, pour un Etat qui se respecte, d'une telle circulaire, étant donné que la loi sur le travail est claire sur ce sujet. En agissant de la sorte, le gouvernement reconnaît son incapacité de faire respecter la loi et préfère continuer à bricoler que d'apporter des solutions durables et crédibles. Le constat est connu de tous : nos entreprises et nos institutions sont gérées par des vieux, parfois grabataires, mais souvent en poste depuis des lustres, comme s'ils étaient nés pour être des dirigeants et comme si personne d'autre, en dehors d'eux, ne pouvait le faire. Lorsqu'on connaît le processus de nomination à la tête de ces entreprises et de ces institutions, l'on ne s'étonne pas que les compétences soient mises au placard, voire poussées vers la sortie. La fuite des cerveaux et des managers qui font le bonheur de leurs employeurs ailleurs, mais aussi l'arrivée des multinationales en Algérie et la percée du secteur privé ont prouvé, pourtant, que des compétences existaient encore dans ce pays et qu'il suffisait de leur faire confiance. Non, l'Etat continue à calquer le modèle des années 1970, et c'est le copinage, les liens familiaux, tribaux, régionalistes qui priment sur tout autre critère objectif. Le mal se situe à ce niveau, et c'est cette mentalité qui a découragé des milliers de cadres et qui a fait comprendre aux autres que les actuels dirigeants seraient éternels, intouchables et que, même si l'on devait procéder à leur remplacement, on puiserait dans le même stock. Mais, il serait naïf de croire que la question des départs à la retraite pourrait se résoudre par une simple circulaire. On ne s'attaque pas aux conséquences, en laissant intactes les causes. Le gouvernement, en voulant précipiter l'application de la loi qui a été bafouée des années durant, fait dans l'improvisation et se retrouve en plein cafouillage. En effet, si dans certains secteurs, à l'image de la santé et de l'éducation, la circulaire a commencé à être appliquée, dans d'autres, elle reste lettre morte. Chez nous, la gestion des ressources humaines se limite aux salaires, primes et autres congés et ne concerne presque jamais la gestion des carrières et les prévisions en matière de besoins en ressources humaines à moyen et long termes. Rien que pour le secteur de l'éducation, les aberrations de la gestion des ressources humaines a fait qu'on a libéré des "retraitables" en pleine année scolaire, tout comme on a vidé les établissements scolaires d'enseignants, notamment de langues étrangères, alors qu'on n'avait pas de remplaçants (sachant que pour bon nombre de wilayas de l'intérieur, cette question ne se pose plus depuis plusieurs années : on n'enseigne pas les langues étrangères, tout bonnement !). Résultat des courses : on a été contraint de rappeler certains retraités pour parer au plus pressé et on a dû surseoir à la décision de faire partir les retraitables en plein milieu de l'année scolaire. Lors de la conférence sur le développement économique et social organisée par le ministre de l'Industrie, la quasi-totalité des présents avait largement plus de 60 ans. Dans l'état actuel des choses, il est difficile de mettre tous les séniors au placard, du moins de façon brusque, comme le fait le gouvernement. Il existe des secteurs où les encadrements sont assurés quasi exclusivement par les "retraitables". Ces derniers ont pris tout le temps pour faire le vide autour d'eux. Mais rien ne dit que cela soit du domaine de l'impossible, à l'image du secteur financier et bancaire, où des sexagénaires continuent à régner, alors que des centaines de cadres sont réduits à faire les gratte-papiers à longueur d'année. Il en est de même pour les holdings et autres sociétés de participation de l'Etat et toutes les institutions où la seule chose inscrite dans les CV des éternels pensionnaires est l'allégeance à une personne, à une région ou à un groupe d'intérêts. Dire que la relève n'existe pas serait faire offense à ces milliers de cadres formés dans les universités algériennes et ailleurs, et que les entreprises privées, multinationales et même étrangères s'arrachent. Cependant, il est vrai que cette relève est, souvent, mal préparée pour prendre le relais. Et ce n'est pas la faute des jeunes cadres, mais bien celle d'un système qui a exclu de fait tous ceux qui n'entrent pas dans son moule et qui continue à privilégier les cooptations aux promotions internes qui obéissent à un avancement de carrière basé sur des critères objectifs. Dans les pays qui se respectent, ceux que l'on appelle les "séniors" sont, certes, sollicités, mais pour des missions bien précises de conseil et de formation. Chez nous, si vous chassez le naturel, il revient au galop ! Bien avant la circulaire de Sellal, et même après, on continue à faire appel à des retraités, en contre- partie de rémunérations fort alléchantes, alors que rien ne justifie leur rappel, si ce n'est une façon de perpétuer les bonnes vieilles habitudes. La plupart des entités étatiques en font un usage abusif, au vu et au su de tout le monde. Faut-il, alors, jeter le bébé avec l'eau du bain et faire comme au lendemain de l'Indépendance ? La réponse se trouve au cœur de la nature même du système qui refuse toute idée de changement et qui se débat dans des solutions de replâtrage. A. B.