Les opérateurs sont obligés par un texte officiel de facturer la ferraille à 82 euros la tonne alors que le prix de vente sur les marchés internationaux est de 160 euros. Au-delà de la complexité “artificielle” du dossier des exportations de déchets ferreux et non ferreux, il y a des enseignements à tirer des attitudes étranges sur le marché juteux des exportations de métaux ferreux et non ferreux. Cafouillage ou simples erreurs d'appréciation, des intervenants ont fait montre d'une absence de maîtrise dans la gestion de ce segment d'exportation. En effet, pour endiguer toute tentative d'infraction au contrôle des changes, notamment le non-rapatriement des devises exigibles après toute exportation, le ministère du commerce a mis en place, depuis décembre 2002, un barème de valeurs qui fixe les prix minimum de référence à l'exportation des déchets ferreux et non ferreux. Cet instrument devait permettre de déceler toute minoration de valeur et servir de base de travail au préalable de domiciliation bancaire des factures candidates à une opération d'export. Ainsi, les opérateurs étaient censés facturer le produit de leur exportation suivant des valeurs égales ou supérieures aux prix affichés par le barème. Les verrous semblaient enfin trouvés même si l'établissement d'un barème de valeurs dans une économie candidate à l'ouverture est à l'évidence en contradiction avec les règles de l'Omc. Autre point de cafouillage : l'établissement de ce barème ne repose sur aucune base de marché, d'autant que les métaux ferreux et non ferreux sont des produits boursiers et donc soumis à des fluctuations quotidiennes. Ce qui rend caduque toute fixation administrative de prix. Plus grave encore, ce barème qui est toujours applicable a accentué l'ampleur du phénomène de transfert illicite de capitaux qu'il était pourtant censé endiguer. Explication : selon le barème du ministère du commerce, daté du 3 mars 2004, le produit intitulé “ferraille massive” est fixé au prix minimum de 82 dollars la tonne (prix fob). En réalité sur le marché international à la même période, cette ferraille est cotée entre 160 et 165 dollars la tonne. Soit deux fois le prix donné par le barème. Conséquence : les exportateurs auront tout le loisir de facturer la ferraille à 82 dollars alors qu'en réalité ils vendront à 165 dollars et ne seront tenus de rapatrier que sur la base des 82 dollars. La différence entre la facturation et la vente réelle restera dans des comptes à l'étranger. Cela s'appelle une minoration de valeur “réglementaire”. Une fraude matérialisée par un transfert illicite de capitaux de devises et rendue “légale” par un texte officiel pour le moins irrationnel. Même les plus honnêtes seront tentés de frauder “conformément à la loi en vigueur”. À l'opposé, au chapitre des déchets non ferreux, intéressons-nous au produit appelé “mate de zinc”. Il est fixé par notre barème au prix de 690 euros la tonne, alors qu'en réalité sur la place internationale, il est coté entre 400 et 450 euros la tonne. Cette fois, les prix donnés par le barème sont plus élevés que ceux pratiqués à l'échelle internationale. Dilemme : si vous exportez les mates de zinc, vous les vendez à 450 euros, mais le barème vous oblige à les facturer à 690 euros. Vous êtes dans l'obligation de rapatrier sur la base des 690 euros, alors que vous n'avez vendu qu'à 450 euros. Dans ce cas, vous tombez dans l'obligation encore une fois “réglementaire” de surfacturer. Mais là, votre acheteur étranger acceptera-t-il de vous faire confiance et de vous payer sur la base de 690 euros qu'il devra transférer sur votre compte en Algérie, afin de vous mettre en règle avec l'obligation de rapatriement ? Avant d'accepter le deal, votre acheteur qui court le risque de vous “surpayer” peut exiger de vous de lui verser au préalable en espèce la différence entre les 690 euros de facturation et les 450 euros représentant le montant réel de la vente. C'est à ce niveau que l'exportateur algérien, piégé, fera appel au marché de change parallèle pour trouver cette différence en devises qu'il devra ensuite verser à son acheteur. Conclusion : dans les deux cas, celui de la minoration ou de la surfacturation, il y a transfert illicite de devises. Et tout cela avec la bénédiction de la loi par le biais d'un texte réglementaire. A. W.