On ne sait toujours pas ce qui a motivé la soudaine libération du journaliste Hafnaoui Ghoul. Par contre, notre conviction est que son élargissement ne doit rien à la mobilisation de ses confrères. Il n'y a que le Syndicat national des journalistes pour voir, dans cette heureuse issue, l'effet de “l'engagement solidaire de la corporation et du reste de la société”. La désinvolture de la “maison” de la presse a été régulièrement constatée quand il s'est agi de manifester le soutien de la corporation avec ses membres emprisonnés. Mohamed Benchicou et Ghoul Hafnaoui. Les rares collègues, qui ont fait l'effort d'exprimer leur solidarité confraternelle, ont eu à souffrir du pénible sentiment de solitude de ceux qui s'entêtent à porter une cause largement trahie. Ceux-ci ne comprendraient pas qu'un quelconque collectif se hasarde à vouloir s'approprier un événement auquel il a si peu contribué. La société largement convertie au gain illicite en oublie que rien n'est durable que ses propres conquêtes. Elle est plus encline à s'émouvoir de la perte d'un acquis frauduleux et immérité, comme le TPS, que du butin de guerre de ses martyrs d'Octobre 1988 qu'est la presse indépendante. La presse, dont l'insuffisance n'a d'égale que l'imperfection de sa société, se joint d'ailleurs volontiers aux pleureuses qui implorent le ciel de leur renvoyer des ondes qu'elles ont pris l'habitude de consommer sans les payer. Un débat national et public sur une tricherie collective. Déjà que l'Algérie fait école — et scandale — en matière de viol des droits d'auteur par sa tolérance de reproduction et des transcriptions illégales, voilà que sa population revendique la gratuité des chaînes étrangères cryptées, pendant qu'elle verse la redevance ENTV, même quand elle ne possède pas de téléviseur, puisque cette dernière est extorquée à quiconque connecté au réseau électrique ! À force de regarder ailleurs — c'est le cas de le dire — on oublie d'améliorer devant et autour de soi. Qu'importe en effet que Le Matin soit fermé puisqu'on a Euronews pour presque rien et Le Monde pour le tiers de son prix, même si on en achète les invendus de la veille. Ce n'est pas avec une telle mentalité, dissolue par la facilité et la banalisation de la fraude, que se défend la liberté de presse. Cette mentalité n'a pas épargné le microcosme médiatique et ses structures. Le SNJ aurait été bien inspiré de s'investir dans les affaires sociales du personnel de presse pour que sa condition cesse de ressembler, par endroits, à celle qui prévaut dans les ateliers de confection chinois. La “maison” de la presse a aussi ses injustices. Puisque nous n'avons pas pu empêcher l'emprisonnement de nos confrères ni imposer leur libération, rendons à César ce qui appartient à César. Et au pouvoir ses abus comme ses grâces. M. H.