Le président de la Fondation Casbah dresse, dans cet entretien, un bilan sur les opérations de sauvegarde menées depuis le classement de la cité millénaire d'Alger patrimoine universel à ce jour. Liberté : à l'occasion de l'anniversaire du classement de la Casbah au patrimoine mondial par l'Unesco, est-il possible de nous rappeler brièvement les initiatives ayant précédé l'aboutissement du dossier de la Casbah en décembre 1992 ? Belkacem Babaci : Effectivement, c'était en décembre 1992 que le dossier de la Casbah avait été accepté par l'Unesco. La Médina d'Alger bénéficie depuis du statut de patrimoine universel. Cela était l'aboutissement d'un long combat mené par le mouvement associatif militant pour la sauvegarde de la cette cité millénaire d'Alger. Depuis sa création en 1990, la Fondation Casbah n'a ménagé aucun effort pour l'aboutissement du dossier. Il ne faut pas perdre de vue aussi les efforts déployés dans ce sens par le chef de gouvernement de l'époque, Sid Ahmed Ghozali. Les efforts du mouvement associatif, déployés auprès de l'Unesco, aussi bien à Santa Fé qu'à Tunis, y ont été pour beaucoup. Ce n'était pas une mince affaire en raison des difficultés rencontrées au sein du Comité international des sites et des monuments historiques. Il y a avait un énorme travail de coulisses accompli par les membres de la Fondation. Je signale pour l'histoire que les frais de déplacement et de séjour ont été supportés par les membres du mouvement associatif. Ils l'ont fait pour la bonne cause. 22 ans plus tard, quel bilan peut-on tirer ? Depuis, peu de choses ont été faites, ou pas assez au regard des recommandations du cahier des charges établi par l'Unesco/Icomos. Ce qu'il faut retenir en premier, c'est le lancement des opérations de réhabilitation engagées en 1998 par le gouvernorat d'Alger. Il y avait eu même un concours d'idées national et international sur la restauration de l'îlot Sidi Ramdane après sa dédensification. Pas moins de 498 familles ont été relogées dans les environs immédiats de la capitale. Cette opération a été suspendue par le successeur de Cherif Rahmani. Une opération similaire concernant 250 familles de l'îlot Souk El-Djemâa avait été également arrêtée. Les autres opérations de relogement des habitants des autres îlots, comme Amar Ali, ou celui de Soustara, Mer Rouge, ont connu le même sort. Le projet du Carrefour du Millénaire a été également annulé. Lequel carrefour devait relier la Casbah à la mer, après la dédensification des voûtes de la Pêcherie et les bâtiments jouxtant la porte de la Marine (Bab Edzira). Le projet de sauvegarde de la Casbah devait permettre de créer pas moins de 3000 emplois grâce au complexe commercial-culturel. Il faut rappeler que l'ensemble de la stratégie de dédensification de toute la Casbah aura demandé au maximum 3000 logements sur quatre ans. Et la population de la Casbah aurait été diminuée à 36 000 ou 40 000 habitants au lieu de 52 000 à l'époque. Comme conséquence directe de la suspension de la stratégie de sauvegarde, le phénomène des squats qui a pris de l'ampleur ces dernières années. Le résultat est là aujourd'hui : la Casbah compte actuellement 62 000 habitants, dont près 10% sont des indus occupants. Après le gouvernorat, qui a pris en charge la réhabilitation des douirette de la Médina ? Après la suspension du processus de sauvegarde engagé par le gouvernorat, le ministère de la Culture s'est impliqué et a désigné l'Ogebc (Office national de gestion et d'exploitation des biens culturels protégés) pour la mise en œuvre du plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé de la Casbah d'Alger. Deux phases de travaux d'urgences y ont été lancées et y ont touché 717 bâtisses. Il faut préciser, toutefois, que ces mesures d'urgence ne sont, par essence, que provisoires, et la restauration doit rapidement prendre le relais si on ne veut pas voir ces bâtisses disparaître. Aujourd'hui, la cellule Casbah de l'Ogebc travaille sur la mise en place du projet de restauration de la Casbah d'Alger, avec la mise en place d'une première phase nommée "Plan d'attaque". Cependant, depuis la nomination de Abdelkader Zoukh, wali d'Alger, des actions courageuses ont été engagées, surtout en matière de dédensification et de traitement inflexible en direction des indus occupants. L'actuel wali d'Alger a affiché, depuis sa prise de fonctions, un intérêt particulier pour ce site millénaire. Des opérations sont menées, à présent, sans complaisance en direction des squatters qui retardent le plan de relogement des vrais habitants. La wilaya intervient dans l'environnement de la Médina par l'évacuation des déblais et des ordures ménagères afin que les allées de la Médina soient agréables à parcourir. Et le rôle du mouvement associatif dans les opérations de réhabilitation ? La fondation Casbah et l'association des amis d'Alger "Sauvons la Casbah" contribuent à toutes les actions engagées par le ministère de la Culture et la wilaya d'Alger. La Fondation coopère pleinement avec l'Ogebc ainsi qu'avec l'Agence nationale des secteurs sauvegardés. Le mouvement associatif est persuadé que la Casbah peut être sauvée en peu de temps, pour peu qu'un plan énergique soit entrepris dans ce site. L'espoir est toujours permis. Je vous rappelle une anecdote. A l'issue d'une visite effectuée à la Casbah, le Premier ministre jordanien en compagnie d'un panel ONU, dont Mme Simone Veil, m'avait déclaré : "Votre après-pétrole est là (la Casbah) ainsi que tous vos sites historiques sans oublier votre ciel bleu, votre Sahara et vos plages." Pour conclure, qu'en est-il des actions de proximité de la Fondation ? La Fondation Casbah est présente sur le terrain. Parmi ses actions de proximité figure l'organisation d'activités culturelles et de conférences sur l'histoire de la Médina ainsi que des visites guidées au profit des collectivités, de la présidence de la République, des ambassades et autres. La fondation est également impliquée dans des actions caritatives. Il y a également des initiatives en direction des jeunes de la Médina pour les sensibiliser à l'importance de s'initier à des métiers de la réhabilitation du vieux bâti. Sur un autre plan, la Fondation est en train d'aménager deux salles. La première qui sera ouverte au niveau de l'îlot Sidi Ramdane est destinée aux enfants qui n'ont pas la possibilité de réviser leurs cours, en raison de la promiscuité. Ces enfants seront encadrés par des animateurs de la Fondation. La seconde salle servira à donner des cours d'alphabétisation au profit des mères de famille dans le cadre d'une convention établie avec l'association Iqraa. H. H.